LE TRISTE SORT À VENIR DU COLLÈGE DE SAINT-DAMIEN :

L’ART DE GASPILLER DES FONDS PUBLICS ET DE DILAPIDER DU PATRIMOINE BÂTI…

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LE TRISTE SORT À VENIR DU COLLÈGE DE SAINT-DAMIEN :

L’ART DE GASPILLER DES FONDS PUBLICS ET DE DILAPIDER DU PATRIMOINE BÂTI…

Lévis, le 31 mars 2025

À titre d’organisme demandeur du classement (13 décembre 2024) de l’ancienne École normale Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, communément appelée le Collège de Saint-Damien, le GIRAM a été le premier informé (le 20 mars 2025) de la décision du ministère de la Culture et des Communications de ne pas classer le bâtiment d’architecture moderniste de l’architecte Jean-Marie Roy.  Après avoir travaillé bénévolement durant trois semaines à préparer cette demande de reconnaissance, il est évident que cette nouvelle était décevante pour nous, mais encore davantage pour la Fondation Saint-Joseph de l’Espérance qui s’acharne depuis quatre ans à vouloir recycler ce bâtiment en logements abordables et en espaces d’affaires et communautaires. Également, nous avons été étonnés de la rapidité de la décision du ministère, alors qu’une demande de classement du couvent de Saint-Gédéon-de-Beauce, acheminée le 3 février 2023, est toujours en attente d’une réponse. Il est à se demander si des pressions politiques ou du Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud (CSSCS), ainsi que le récent vote des maires de la MRC (le 19 février 2025) contre le classement du collège n’auraient pas contribué à cette réponse rapide du ministère — qui « a demandé la position de la MRC de Bellechasse à propos de cette demande de classement »[1]. De plus, il est aberrant que 19 maires, à l’exception de Yves Turgeon, maire de Saint-Anselme, se soient prononcés contre le classement patrimonial d’un immeuble qu’ils connaissent peu et contre un statut qui aurait favorisé l’obtention d’un financement supplémentaire pour sa réhabilitation. Pas fort…

Une démonstration de gaspillage de fonds publics

Aussitôt que le CSSCS, propriétaire depuis 1995, a été informé par le ministère que le bâtiment ne serait pas classé, les membres du conseil d’administration se sont empressés, à leur réunion régulière du 25 mars 2025, d’adopter une résolution (annexe 2) autorisant « la démolition du Collège de Saint-Damien (Saint-Damien-de-Buckland) ». Pourtant, dans sa lettre du 20 mars, le ministère de la Culture spécifiait au propriétaire, que bien que « l’immeuble ne présente pas une importance à l’échelle nationale », il ajoutait clairement que l’ancienne École normale « présente des valeurs historique et architecturale qui la positionnent favorablement à l’échelle régionale. Nous vous encourageons ainsi à poursuivre l’évaluation des scénarios qui pourraient favoriser sa réhabilitation ». Cette option de trouver des scénarios de conservation du bâtiment semble complètement exclue de la part d’administrateurs non élus qui iront demander plus de 10 millions $ au ministère de l’Éducation pour détruire ce bâtiment de 112 mètres de long par 16,76 mètres de largeur, solide comme le roc, offrant 15 000 m2 de surface réutilisable et qui couterait environ 130 millions $ à reconstruire aujourd’hui, selon les coûts de l’école secondaire Le Phare[2], inaugurée à Charlesbourg le 18 novembre 2024 (plus de 174 millions$ pour une superficie de 19 797 m2).

Il faut dénoncer ce gaspillage éhonté de fonds publics qui a commencé par la construction (2023-24) d’une nouvelle école primaire Des Rayons-de-Soleil, juste au nord, et la délocalisation des classes logées dans le collège en novembre 2024. Avec la démolition appréhendée, ce sera un 10 millions $ et plus pour la démolition, un autre 10 à 12 millions pour la relocalisation ou le réaménagement de la salle de spectacles de la maison de la Culture de Bellechasse dans le Centre des plastiques du côté ouest du collège et de la rue Saint-Gérard, propriété du Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud.

Pas d’urgence à démolir : trouver des alternatives

TOUS LES DÉCIDEURS, ADMINISTRATEURS-TRICES ET ÉLUS-ES, DEVRAIENT RELIRE LES RAPPORTS SUIVANTS :

Le Rapport du Vérificateur général du Québec pour l’année 2020-2021, chapitre 3 : Sauvegarde et valorisation du patrimoine immobilier, juin 2020, qui recommande au ministère de la Culture et des Communications d’encourager les autres ministères à réutiliser les bâtiments patrimoniaux existants dans leurs projets immobiliers.

Le rapport Studio Carbone (Frenette Marika), Évaluation carbone stratégique, rapport de synthèse, Collège de Saint-Damien-de-Buckland, mai 2022, qui démontre que la démolition est aussi une décision anti-environnementale puisqu’elle entrainerait 53 % plus d’émission de GES qu’une rénovation, sans compter qu’un bâtiment démoli ne peut plus rendre de services sociaux ou économiques à la communauté.

Le rapport Stratégie québécoise en habitation : Bâtir ensemble pour mieux se loger, publié en juin 2024, est portant bien explicite :

« Certains actifs immobiliers gouvernementaux sous-utilisés seront mis à contribution pour faciliter la réalisation de projets de logements. Certains de ces immeubles pourront également être cédés à certains organismes en dérogation des règles usuelles d’aliénation des immeubles gouvernementaux pour être utilisés prioritairement pour des logements sociaux, abordables ou étudiants […] Au Québec, de grands ensembles bâtis qui présentent un fort intérêt patrimonial, notamment des immeubles institutionnels ou ensembles conventuels, deviennent disponibles… Plusieurs présentent une qualité de construction indéniable ».[3]

Il n’est pas normal que sous prétexte que la Fondation ne soit pas arrivée avant le 10 janvier 2025 à financer son projet de conversion en 77 logements abordables qu’on se précipite vers la démolition sans tenir compte de la recherche de d’autres scénarios comme demandé par le MCC. À notre avis, la responsabilité du CSSCS, de faire tous les efforts pour recycler ou réhabiliter l’immeuble patrimonial dont elle est propriétaire, tient toujours. Bien sûr, une volonté de la MRC et de la municipalité de Saint-Damien-de-Buckland en vue de convertir ce bâtiment serait fort nécessaire, voire indispensable. Mises à part quelques timides résolutions, ces instances municipales devraient s’impliquer plus directement dans la sauvegarde de ce patrimoine encore en bon état, comme l’ont démontré de nombreuses études récentes réalisées par des professionnels pour le compte de la Fondation Saint-Joseph de l’Espérance ou du GRT Nouvel Habitat. Le temps n’est pas de démolir à la hâte, mais de prendre le temps de réfléchir à trouver des alternatives plus constructives…

-30-

Source : Gaston Cadrin, vice-président Patrimoine et Environnement GIRAM

Pj : en annexe 

1- Lettre du 20 mars 2025 du MCC au GIRAM.

2-Annexe 2 : Résolution du Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud, réunion du 25 mars 2025.

3-Résolution de la MRC contre le classement à sa réunion régulière du 19 février 2025.

4-Lettre du GIRAM au ministre de la Culture et des Communications le 13 décembre 2024.


Annexe 2 : Résolution du Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud, réunion du 25 mars

Annexe 3 : Résolution de la MRC, à sa réunion du 19 février 2025

Annexe 4 : Lettre du GIRAM au ministre, le 13 décembre 2024

Lévis, le 13 décembre 2024

M. Mathieu Lacombe

Ministre de la Culture et des Communications

225, Grande Allée Est, 1er étage, bloc A

Québec (Québec) G1R 5G5

Monsieur le ministre,

Le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) vient d’acheminer une demande de classement à votre ministère pour l’ancienne École normale de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, devenue le Collège de Saint-Damien à Saint-Damien-de-Buckland dans Bellechasse depuis 1969. Cette demande de classement à titre d’immeuble patrimonial de ce bâtiment monumental, inauguré en 1961, s’est faite avec la collaboration de la Fondation locale, Saint-Joseph-de-l’Espérance, créée en 1987. Nous croyons que la protection et la mise en valeur de l’ancienne École normale et de son site sont suffisamment d’intérêt public pour obtenir une reconnaissance nationale et une éventuelle inscription au Registre du patrimoine culturel du Québec. Les justifications (description du bien, histoire, motifs de la demande et photographies) de cette éventuelle désignation se retrouvent dans les dossiers joints.

Il s’agit d’un bâtiment de style moderne de plus de 110 mètres de long, conçu par les architectes, Jean-Marie Roy et Noël Mainguy, deux professionnels qui ont innové dans les constructions d’institutions scolaires à l’heure de la modernisation du système d‘éducation au Québec. L’architecte Roy a dessiné au milieu des années 50 trois pavillons (inaugurés à partir de 1957) pour les orphelines de la Congrégation et ensuite l’École normale, selon une vision intégrée d’un campus baignant dans la nature, avant même le Campus-Notre-Dame-de-Foy (1963-1965), classé site patrimonial depuis 2015.

L’affectation de l’immeuble a changé avec l’évolution du système scolaire, si bien que les classes ont été utilisées comme école privée mais aussi pour de courtes périodes comme Cégep, école secondaire publique, puis pendant près de 30 ans comme école primaire publique, des Rayons-de-Soleil. Depuis le 29 septembre 1995, la Commission scolaire de Bellechasse est l’unique propriétaire du bâtiment. Elle l’a reçu par donation de la communauté religieuse dont les effectifs diminuaient de plus en plus. Rappelons que les Sœurs de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours s’étaient départies dès 1980 des huit Pavillons des Jeunes par vente au ministère des Affaires sociales. Ce dernier les liquidera pour 200 000 $ à l’organisme Jeune de l’avenir, je t’écoute inc qui les laissera à l’abandon. Ajoutons que le Collège de Saint-Damien, avec ses espaces diversifiés et fonctionnels, joue depuis près de 40 ans un rôle social fort important pour la population locale et régionale. Les religieuses ont contribué à l’aménagement d’une RPA l’Oasis St-Damien en 1988 qui occupe encore l’aile est de l’édifice. De plus, une grande salle communautaire près de l’entrée principale accueille de multiples activités, tandis que l’ancienne chapelle a été transformée en salle de spectacles de la Maison de la Culture de Bellechasse depuis 1998. Une relocalisation de cette salle de 350 places au Centre des Plastiques pourrait coûter à votre ministère de 10 à 12 millions $.

L’avenir du collège de Saint-Damien a basculé en 2019 lorsque le propriétaire, la Commission scolaire de Bellechasse, devenue en 2020 le Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud, a décidé de relocaliser son école primaire Des Rayons-de-Soleil sur des terrains adjacents au nord dudit bâtiment dans la foulée d’une modernisation du concept des écoles primaires au Québec. En enlevant éventuellement au bâtiment une de ses fonctions principales, le propriétaire ne voyait plus la pertinence de conserver le bâtiment et a élaboré un scénario de démolition à l’encontre des principes du développement durable, compte tenu de la solidité et de la valeur patrimoniale de la construction.

Malgré ce scénario catastrophe, la Fondation Saint-Joseph-de-l’Espérance s’oppose à cette démolition et a élaboré avec architectes et autres professionnels une proposition de reconversion de 84 logements abordables, tout en désirant conserver les services communautaires et culturels en place, dont la salle de spectacles. En 2020, une pétition de la fondation visant la conservation et la reconversion a été appuyée par plus de 530 personnes Pour la réalisation de cette proposition, il faut bien sûr que le bâtiment soit conservé et cédé gracieusement par le Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud. De plus, la désignation patrimoniale de l’immeuble et possiblement du site conférerait une valeur supplémentaire et une aide éventuelle au recyclage de l’immeuble.

Certes, toute reconnaissance patrimoniale nationale doit être fondée sur des motifs historiques, architecturaux, artistiques et paysagers, ce que nous avons démontré. Soulignons que ces valeurs patrimoniales sont également connues à votre ministère comme en fait foi le document de juillet 2019 de la Direction générale du patrimoine, supervisé par la chargée de projet Marie-Ève Kirouac, et intitulé : Ancienne école normale Notre-Dame-du Perpétuel-Secours, 75 route Saint-Gérard, Saint-Damien-de-BucklandÉvaluation de l’intérêt patrimonial. Rappelons également que plusieurs organismes, tels Action patrimoine, Docomomo Québec et la Fédération Histoire Québec, ont pris ces dernières années la défense de ce patrimoine moderne, sans compter les nombreux appuis au projet de recyclage et de conservation du bâtiment de la MRC de Bellechasse, de la municipalité de Saint-Damien-de-Buckland et d’autres municipalités avoisinantes, sans oublier plusieurs organismes, dont le GIRAM.

Reconnaître ce bâtiment et éventuellement ce site, serait en même temps honorer l’œuvre gigantesque à Saint-Damien-de-Buckland de ces dévouées religieuses qui ont soutenu depuis 1892 de multiples formations éducatives et marqué ce milieu rural par leur dynamisme.

Espérant que vous accueillerez favorablement cette demande en vous prévalant de l’article 30 de la Loi sur le Patrimoine culturel afin d’émettre un avis d’intention de classement pour reconnaitre sur le plan national cet immeuble et son environnement.

Acceptez, Monsieur le ministre, nos salutations les plus distinguées.

Gaston Cadrin, vice-président du GIRAM

Annexe 3 : Résolution de la MRC, à sa réunion du 19 février 2025


[1] Procès-verbal de la réunion de la MRC de Bellechasse du 19 février 2025 (9.2 à l’ordre du jour).

[2] hgps://www.ameqenligne.com/news_pdf/pdf_docs__20241118011144_20_10.pdf

[3]https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/affaires-municipales/publications/habitation/strategie_quebecoise_habitation/TXT_strategie_habitation_complet.pdf,p 32-33.

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