
Demande de classement à titre d’immeuble patrimonial de l’ancienne École normale Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours devenue le Collège de Saint-Damien
Le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM), en collaboration avec la Fondation Saint-Joseph-de-l’Espérance(Saint-Damien-de-Buckland)
Le 13 décembre 2024

(Photo vers 1970, collection RPA l’Oasis St-Damien)
Document complémentaire au formulaire
Description du bien
En 1957 et 1958, les Sœurs de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours mandatent les architectes Jean-Marie-Roy et Noël Mainguy, accompagnés des ingénieurs Léo Dufresne et Roger Mainguy pour concevoir leur nouvelle école normale de filles qui était logée dans un bâtiment trop restreint (École du Sacré-Cœur) près de leur couvent. L’emplacement désigné se situe sur un versant nord de la rivière des billots, une colline nommée Notre-Dame qui offre une vue imprenable sur l’ensemble de l’institution conventuelle et le village.

Comme les titres de propriétés ne sont pas clairement établis, les religieuses, possédant ces lots depuis plus de 30 ans, se font confirmer leur droit de propriété sur les lots 914-915A, 916-A, 916-B, 917-A, 919-A, 920-A, 921-B, ,922-1, 923, 924-I, 809-A, 909-A, 909-B (paroisse de St-Damien) par un jugement de la Cour supérieure (No 5897-A). Les lots cadastraux actuels de la partie collège sont les numéros 3 929 116, 3 929 119, 3 929 120 3929 117, 3929 118 et 3 931 052. L’adresse civique est 65 et 75 route Saint-Gérard, Saint-Damien-de-Buckland (Bellechasse).
Le bâtiment planifié est vaste, solide et d’architecture innovante. Il vise à répondre aux besoins actuels et futurs dans le contexte où l’accès à l’éducation se démocratise et doit répondre au boom de natalité de l’après Seconde Guerre. Sur l’ensemble des étages, il offre une superficie de plus de 15 000 mètres carrés, offrant des usages diversifiés dont les religieuses ont probablement amplifié les besoins et sous-estimé les changements à venir en éducation à l’époque —démocratisation, transport scolaire, changements sociaux, etc.— dans un milieu relativement éloigné de la ville.
L’immeuble de 112 mètres de longueur sur 16,76 mètres de largeur est composé de deux ailes rectangulaires (est et ouest) qui se ferment légèrement du côté sud. Le bâtiment est impressionnant par son volume, mais également en hauteur avec ses trois étages supérieurs, son rez-de-chaussée et son entresol visible à l’extérieur et ses caractéristiques architecturales contrastantes dans un village rural traditionnel. Son sous-sol comprend un gymnase, une piscine désaffectée, les espaces mécaniques et d’entreposage. En dessous du sous-sol se trouvent les piliers de béton et la structure de soutien du bâtiment encore en bon état, selon le rapport de l’ingénieur en structures de Génie Plus. Au corps principal de l’édifice s’ajoute en saillie un élément architectural plus spectaculaire par sa forme en éventail qui accueille des fonctions communautaires et qui dirige les usagers vers l’entrée principale du bâtiment du côté nord-ouest.

L’ensemble du bâtiment se distingue par sa fenestration abondante, ses sections en maçonnerie rustique (moellons de pierres ébauchés de teintes nuancées de gris à beige au soubassement et aux murs pignons), ses murs-rideaux (panneaux de verre et panneaux tympans en aluminium colorés de couleur brun-ocre) parsemés d’un large balcon en alcôve au sud et de plusieurs balcons en béton dont certains ont disparu, notamment les trois balcons du côté ouest, visibles de la route Saint-Gérard et remplacés par des saillies en tôle profilée. Certaines réparations aux bâtiments au cours des ans ont fait fi des matériaux d’origine (maçonnerie vitrifiée de couleur) en utilisant cette tôle profilée à plusieurs endroits, dont le mur semi-sphérique de l’ancienne chapelle, à l’est de l’entrée principale.
Le toit de ce bâtiment longitudinal est plat recouvert d’une membrane qui fut remplacée en 2017. Il comporte un lanterneau de faible élévation sur toute sa longueur permettant la diffusion de la lumière naturelle, notamment à l’étage supérieur. Malgré certaines modifications au cours des décennies de quelques éléments de son aspect extérieur d’origine, l’ensemble du bâtiment offre une belle harmonie et constitue un patrimoine moderne de grande valeur.


À l’intérieur, une fenestration abondante laisse entrer une lumière abondante dans tous les espaces utilisés et des puits de lumière contribuent à éclairer naturellement les escaliers et d’autres lieux communs de circulation. Soulignons également qu’en 2014 les systèmes de chauffage, de ventilation et de conditionnement de l’air ont subi une importante réfection au coût de 1,3 millions$. Enfin, des structures porteuses en béton (poutres, colonnes et dalles) facilitent le réaménagement des espaces et les changements de vocation.

Historique du bien
La communauté des sœurs de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours prend naissance à Saint-Damien en 1892 sur l’initiative du premier curé arrivé en 1882, l’abbé J.-O. Brousseau. Dès le printemps 1892, le curé fait entreprendre les travaux de construction du couvent destiné à accueillir les premières religieuses, les vieillards, les orphelins et les premières classes. Il convainc Virginie Fournier (mère Saint-Bernard) de prendre la direction de la nouvelle communauté qui l’assumera de façon dynamique. Cette congrégation religieuse a exercé un rôle majeur dans le cœur institutionnel de Saint-Damien, notamment dans la première partie du XXesiècle.
La communauté sera fort entreprenante sur le plan social (hospice et accueil des orphelins) éducatif (école secondaire, école d’agriculture, école d’arts familiaux, Institut familial Brousseau, école normale) et économique (ferme modèle, moulin à farine, acquis en 1913 et en fonction jusqu’en 1945 et moulin à scie. Ces moulins implantés sur la rivière aux Billots sont tous disparus en 1951 et ont fait place à un vaste étang (étang des Sœurs) et au redressement de la route Saint-Gérard.


Avant de construire une nouvelle école normale, les religieuses avaient déjà l’expertise de cet enseignement, puisque leur première école secondaire pour filles s’était transformée au fil des ans en école préparatoire à l’enseignement pour les jeunes filles de la région. La première école normale logea dans la maison construite par Elzéar Métivier en face du couvent. Cette maison de style éclectique du début du XXe siècle (photo), acquise d’Amédée Roy en 1939, accueillit les étudiantes jusqu’en 1942 jusqu’à leur déménagement dans l’école Sacré-Cœur (démolie en 1979) avec les étudiantes du niveau secondaire.

(Photo: Paul Carpentier, 1942, BAnQ, Advitam E6 S7 SS1 P84816).
Pavillons des jeunesDans les années 1950, les religieuses voient leur clientèle d’orphelins et d’orphelines augmenter. C’est alors que la Congrégation décide de faire construire un pavillon moderne sur ce qu’il nomme la colline, soit au nord de l’étang des Sœurs. Ce premier pavillon de style moderne conçu par l’architecte Jean-Marie Roy accueillera dès 1957, le premier contingent d’orphelines. En 1962, le campus des orphelines compte déjà trois pavillons et le nom d’Orphelinat du Sacré-Cœur est remplacé par celui de Pavillons des Jeunes.

À partir de 1965-1966, on accueille dans ces pavillons des mésadaptés sociaux affectifs et on dispense des cours de la 1ière à la 9ième année à la clientèle de l’institution. Au fur et à mesure des besoins anciens ou nouveaux, on augmente le nombre de pavillons, un en 1966, deux en septembre 1967 (un pour les filles et un autre pour les garçons) et un autre en novembre 1967. En 1969, un autre pavillon dit Pavillon Central ouvrira pour servir de résidence au personnel religieux dédié aux jeunes et au personnel administratif.

Au total, le campus compte huit pavillons, tous en structures de béton et d’allure moderne. En 1980, les religieuses se départiront de cette responsabilité de gestion éducative, des ressources humaines (70 personnes à temps plein) et de l’organisation matérielle en vendant le centre d’accueil Pavillons des Jeunes inc. au ministère des Affaires sociales pour la somme de 2 067, 334 $. En 1998-1999, ledit ministère décida de regrouper cette clientèle d’élèves de diverses problématiques au Centre jeunesse de Lévis. L’organisme Portage utilisera deux pavillons et le gymnase du pavillon central entre 2000 et 2010, puis déménagera à Saint-Malachie. La vente des huit édifices et terrains par le Centre jeunesse Chaudière-Appalaches est confirmée par un contrat devant Me Jean-Charles Garant le 27 mai 2011 (acte # 18 164 210). L’acquéreur Jeune de l’Avenir, je t’écoute inc. met la main sur le lot 3 929 122 avec ses bâtiments pour la modique somme de 200 000 $ plus taxes, alors que l’évaluation municipale est de 4 154 900 $. Après quelques années d’occupation partielle par des familles peu favorisées de Québec, les bâtiments sont abandonnés. Depuis 2018, ils font l’objet de vandalisme. La corporation-propriétaire n’est pas une citoyenne exemplaire, car après plusieurs années de non-paiement de taxes à la municipalité, les divers lots et bâtiments recadastrés ont été vendus à l’enchère en 2023.
Une nouvelle École normale devenue collège
En raison des besoins grandissants (augmentation de la natalité après 1945), notamment pour la formation des institutrices, la congrégation décide de faire construire une nouvelle École normale moderne sur les terres lui appartenant sur les collines au nord de l’étang. En 1957, la congrégation mandate les architectes Jean-Marie Roy et Noël Mainguy — ils viennent de terminer le premier pavillon de l’orphelinat du Sacré-Cœur au sud-ouest près de la route Saint-Gérard — de réaliser les plans d’un nouvel édifice qui servira à la relocalisation de l’École normale Notre-Dame-du Perpétuel-Secours. C’est la sœur-économe Saint-Joseph-de-l’Espérance qui surveillera le budget de la future construction qui se veut moderne et fonctionnelle. Roy et Mainguy, assistés des ingénieurs Roger Mainguy et Léo Dufresne, concevront un vaste bâtiment de plus de 15 000 m2 avec des classes, laboratoires, des chambres pour les pensionnaires, mais aussi avec de nombreuses commodités communautaires, telles une salle académique, une chapelle, une cafétéria, un gymnase et une piscine. Les religieuses entreprenantes voient grand et ont l’argent pour soutenir leur projet. En prime, ce n’est pas l’espace qui manque sur leur propriété au versant de la colline Notre-Dame, au nord de l’ancienne rivière aux billots éclusée en étang de grande surface.L’inauguration de l’immeuble aura lieu au début de septembre 1961 pour la rentrée scolaire. En plus des étudiantes en pédagogie (environ 130) et des futurs enseignants à partir de 1963, l’École normale accueillera dans ses salles de classes de l’aile est les orphelins et orphelines de plus en plus nombreux qui logent dans les nombreux pavillons des Jeunes qui atteignent le nombre de sept à l’automne 1967. Ces jeunes auront également accès à la chapelle, à la piscine et autres commodités de l’édifice.

Maison de la Culture de Bellechasse (photo : album des finissantes de l’École normale de 1964, coll. Pauline Mercier).
Avec la réforme de l’éducation et l’intégration de la formation des maîtres aux facultés de pédagogie des universités au milieu des années 1960, il faudra qu’on trouve de nouveaux usages afin d’éviter que ce bâtiment tout récent devienne un éléphant blanc. Conséquemment à partir de septembre 1966, la Commission scolaire Louis-Fréchette loue 15 classes pour les besoins du niveau secondaire de la région (Le Peuple, de Montmagny, 23 juin 1966). Puis, en 1969, l’École normale sert également de collège d’enseignement général et professionnel où on dispense la formation générale et deux techniques : en éducation spécialisée et en techniques familiales, deux champs d’expertise développés par les religieuses depuis longtemps. L’institution prend désormais le nom de Collège Saint-Damien.
Une vocation éducative et sociale changeante
La vocation collégiale privée de l’institution a été de courte durée, soit de 1969 à 1974, tandis que la formation d’enseignants-tes prend définitivement fin en 1971. Au début des années 1970, jusqu’en 1978, la partie est de la bâtisse accueillera les élèves du secondaire public de la région jusqu’à la construction de la polyvalente (École secondaire de Saint-Damien) de l’autre côté de la route Saint-Gérard. À compter de 1974, le Collège privé de Saint-Damien n’offre que la formation secondaire de cinq niveaux, mais à partir de 1986, l’institution ne dispensera que les niveaux 1,2 et 3. Les sœurs Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours se posent de plus en plus de questions sur l’utilisation future du bâtiment. À cet effet, un comité formé de religieuses a été mis sur pied afin de mener une consultation dans la population et auprès des autorités municipales afin de déterminer de nouveaux usages de cet impressionnant immeuble. Les religieuses envisagent même de s’en départir, compte tenu que de la diminution importante de nouvelles recrues dans la congrégation. Rappelons qu’en 1980, la communauté s’était délestée des Pavillons des Jeunes au profit du ministère des Affaires sociales.
Après la consultation dans le milieu et une concertation communautaire, il est décidé de convertir une partie de l’édifice (phase 1, les classes de l’ancienne École normale) en logements pour personnes âgées ou centre d’accueil. Cette résidence pour personnes âgées (RPA) évitera d’éloigner les parents vieillissants ou en perte d’autonomie de leurs familles. C’est dans ce contexte que la Fondation Saint-Joseph-de-l’Espérance inc. est créée en 1987 (OBNL # 101837219 du Registre des entreprises) et sera chargée de ramasser des dons auprès de la population et des entreprises cumulant un fonds de départ du projet d’environ 250 000 $. À cet effet, le 17 juillet 1987 (acte 153 358, circonscription de Bellechasse), un bail de 20 ans est signé entre la Congrégation et l’Oasis St-Damien, inc. pour la location des lieux désignés comme étant « l’entre-sol, le rez-de-chaussée et le premier étage dans la partie Est du Collège sis et situé au 75 rue St-Gérard, St-Damien ». Il est bien précisé que « le preneur utilisera les lieux loués comme centre d’accueil avec vocation à caractère communautaire et social sans but lucratif ». Le bail est consenti pour 1 $ par an, mais le preneur doit contribuer pour 10 % de l’entretien du terrain, le déneigement, de l’électricité, chauffage et taxes de l’ensemble de la bâtisse. Deux religieuses font partie du conseil d’administration et auront droit de veto sur les décisions prises.
En 1988, l’Oasis offrait 24 unités de logements (chambres seulement) et sept ans plus tard 26 autres unités étaient ajoutées, puis une douzaine de studios avec cuisine en 2001 avec un programme accès-logis de la SHQ, démontrant clairement que cette offre correspondait aux besoins du milieu. Aujourd’hui, cette corporation sans but lucratif gère 52 studios ou chambres répartis au 2e et 3e étage avec une capacité de 72 locataires. Il est possible que l’incertitude liée à l’avenir du bâtiment et à une éventuelle relocalisation de la RPA dans l’infirmerie de l’ancien couvent des sœurs soient des éléments répulsifs pour de nouveaux locataires. Il existe plusieurs services et activités dans le bâtiment actuel pour la clientèle, notamment une salle de spectacles ou de cinéma et un service de cafétéria à l’entresol de l’aile est aménagé dans une ancienne salle réservée aux élèves

de la RPA l’Oasis (photo : Gaston Cadrin, 14 novembre 2024).
Quant aux fonctions éducatives des religieuses dans le collège, elles cesseront en 1991 devant la baisse de clientèle des dernières années (environ 100 élèves) et des ressources humaines de la congrégation. Une période de faible utilisation d’une partie du bâtiment s’en suit où, sous l’appellation Carrefour de la Colline, le lieu accueille conférences, sessions de formation et fournit des espaces à la population de Saint-Damien.
En 1995, grâce à la générosité des religieuses une nouvelle utilisation éducative est trouvée en confiant la propriété du Collège Saint-Damien à la Commission scolaire à compter du 1er juillet. Le 29 septembre (acte # 173 172, circonscription de Bellechasse), la Congrégation des sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours cède par donation à la Commission scolaire de Bellechasse l’entièreté du bâtiment et des diverses parcelles de terrains connexes. Il est spécifié que l’immeuble ne pourra servir qu’à des fins éducatives, sociales et municipales. Parmi les obligations de la Commission scolaire de Bellechasse se trouvent le respect du bail amendé entre la congrégation et l’Oasis St-Damien. Celle-ci devra assumer la responsabilité entière de l’œuvre de l’Oasis Saint-Damien, et dans la mesure du possible et du raisonnable, s’assurer que cette œuvre, fondée à l’origine par et pour la population des Saint-Damien-de-Buckland, se poursuive et se développe, étant entendu qu’aux fins du présent paragraphe, la municipalité de Saint-Damien-de-Buckland constitue un tiers acceptable par la donatrice. Pour faciliter cette obligation, la congrégation s’engage à faire remise de toute dette de l’Oasis envers elle, soit un prêt de 250 000 $ en 1988, totalisant en capital et intérêts le 1erseptembre 1995, un montant de 437 059, 51 $.
La donataire s’engage pour quinze ans à ne pas aliéner l’immeuble sans en aviser la donatrice et identifier la personne ou organisme bénéficiant de l’aliénation. La donatrice aura un délai de 30 jours pour annoncer son intention de se porter elle-même acquéreur de l’immeuble. Il est reconnu que dans le cas d’une cession à l’Oasis de Saint-Damien, les conditions ci-dessus ne s’appliqueront pas.
À partir de ce moment, la Commission scolaire de Bellechasse utilisera les classes des premier et deuxième étage de la partie ouest pour les besoins de l’enseignement primaire dans ce qu’on nommera l’école primaire Rayons de-Soleil. De plus, elle prêtera des locaux pour diverses activités sociales, culturelles et communautaires. Des services fort appréciés par la communauté locale et régionale.
Parmi ces services notons :
- La conversion de la chapelle du 1er étage en salle de spectacles de 353 places depuis 1998. La maison de la Culture de Bellechasse offre une diversité d’activités culturelles (spectacles de musique et de chants, pièces de théâtre, films, conférences, etc). Cette salle peut accueillir 350 personnes et l’ancienne sacristie sert de loges pour les artistes.
- La salle académique est devenue une salle communautaire pouvant accueillir 568 personnes pour des activités sociales diversifiées, telles expositions, danses, funérailles, conférences, etc.
- La bibliothèque municipale.
- Les bureaux de la municipalité et la salle du conseil de Saint-Damien-de-Buckland (en cours de relocalisation à la maison mère des religieuses).
- Des activités sportives au gymnases et à la piscine (désaffectée depuis).
- Une garderie scolaire, relocalisée depuis novembre 2024 dans la nouvelle école.
- Des locaux pour diverses activités artisanales ou culturelles : exemple le Cercle des Fermières (72 membres), la FADOQ (125 membres).




L’avenir du collège de Saint-Damien a basculé en 2019 lorsque le propriétaire, la Commission scolaire de Bellechasse, devenue en 2020 le Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud, a décidé de relocaliser son école primaire des Rayons-de-Soleil sur des terrains adjacents au nord dudit bâtiment dans la foulée d’une modernisation du concept des écoles primaires au Québec. En enlevant éventuellement au bâtiment une de ses fonctions principales, le propriétaire ne voyait plus la pertinence de conserver le bâtiment et a élaboré un scénario de démolition. Quant à l’Oasis de Saint-Damien, le RPA est invité à déménager dans des locaux de la maison-mère, propriété de la municipalité.
C’est à ce moment, que la Fondation Saint-Joseph-de-l’Espérance a élaboré un projet de conversion en logements abordables (environ 84) d’une grande partie de l’édifice afin de sauvegarder ce bâtiment encore très solide et de préserver aussi des fonctions communautaires et culturelles fort utiles au milieu.Quant à l’école Rayons-de-Soleil, sa construction fut amorcée au printemps 2023 et elle fut récemment inaugurée en novembre 2024. Elle comporte 11 classes, gymnase, bibliothèque scolaire et salle polyvalente accueillant 240 élèves dont ceux de niveaux préscolaires. Le coût de la nouvelle construction s’est élevé à près de 24 millions $. Depuis quelques semaines, les locaux des classes ont été vidés, donc vacants depuis le 30 octobre dernier. À l’inauguration, de la nouvelle école, il fut étonnant que l’on ait osé prétendre que « le bâtiment s’inscrit dans une perspective d’intégration à la communauté et de développement durable, en plus d’être adapté aux méthodes d’enseignement modernes » (La Voix du Sud, 30 octobre 2024). Les deux premiers arguments n’ont pas leur place et sont infondés, car l’ancien bâtiment répondait parfaitement à ces aspects. Il s’agit d’une décision politique qui constitue un gaspillage éhonté de fonds publics et la condamnation inutile d’un bâtiment de grande valeur sociale et économique.

L’avenir du collège Saint-Damien est en sursis car le propriétaire actuel, le Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud a retardé la mise en œuvre de son projet de démolition jusqu’au 11 janvier 2025. Il refile la responsabilité de la sauvegarde du bâtiment à la Fondation Saint-Joseph-de-l’Espérance qui a peu de temps pour démontrer la crédibilité de son projet de logements. Un projet de réhabilitation qui vise à réutiliser les espaces occupés par la RPA l’Oasis —qui doit déménager éventuellement à la maison mère— et ceux qu’occupaient l’école primaire jusqu’à récemment en logements sociaux et abordables pour la population de la MRC de Bellechasse. La Société d’habitation du Québec considère le projet admissible à des programmes d’habitation abordable. Dans l’optique de la Fondation, advenant une réponse positive, il serait souhaitable de conserver les fonctions communautaires et culturelles encore présentes dans l’édifice et même d’en ajouter de nouvelles dans le domaine des services.
Motifs de la proposition
Ce bâtiment à l’architecture novatrice a imprimé sa marque dans le paysage local et de Bellechasse. Il démontre l’audace de cette congrégation religieuse, presque fondatrice
du lieu, qui a osé rompre avec l’architecture traditionnelle du cœur du village pour se redévelopper sur la colline Notre-Dame. Audace d’autant plus grande, qu’elle a voulu ancrer son École normale dans le modernisme et les valeurs renouvelées du moment. Pour ce faire, ces religieuses ont choisi un architecte adepte du modernisme, Jean-Marie Roy, originaire de Saint-Léon-de-Standon, qui les a convaincues de se doter d’un bâtiment fonctionnel rempli de lumière et de commodités.
Fonds Gauthier, Guité et Roy architectes, BAnQ, Advitam, cote P767
Comme nous l’expliquerons un peu plus loin, sa reconnaissance comme immeuble patrimonial devrait se baser sur l’ensemble des valeurs distinctives de ce bâtiment du début des années 1960. Quelles soient d’ordre architectural, paysager ou artistique, ces valeurs patrimoniales s’intègrent harmonieusement dans ce patrimoine bâti et son environnement fort dégagé.
Parmi les autres motifs, c’est la menace de démolition qui pèse sur ce bâtiment à la suite du choix plus ou moins justifié de ne pas rénover le bâtiment et de discontinuer l’enseignement primaire en ce lieu. En découlant, la décision du 8 décembre 2021 de construire une nouvelle école juste en face du côté nord. Un choix de société expression de gaspillage, de société d’abondance ou de pseudo-richesse? L’option démolition représente une dilapidation éhontée de ressources sur le plan environnemental, que celles-ci soient matérielles ou humaines et ne s’inscrit nullement dans la ligne du développement durable. Ajoutons un effet boomerang sur les autres activités en place et sur les possibilités de réutiliser le bâtiment dans l’avenir.
À notre avis, sur le plan patrimonial, les immeubles appartenant à l’État devraient être analysés et traités de façon exemplaire, tel que le recommandait le rapport du vérificateur général du Québec en juin 2020 dans le chapitre trois, pages 40-45. On y préconisait entre autres, que le ministère de la Culture et des Communications mette en place « des mesures structurantes qui feraient en sorte que la sauvegarde et la valorisation du patrimoine deviennent un volet incontournable des projets de gouvernement ». Bref, les projets du gouvernement, ici le ministère de l’Éducation, devraient être exemplaires. Selon ce rapport, cela pourrait se traduire par l’émission par MCC d’une Directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastructures visant à privilégier la réhabilitation et, s’il y a lieu, la transformation de bâtiments publics ayant un intérêt patrimonial plutôt que de nouvelles constructions, ou la prise en compte de l’analyse coût complet du cycle de vie d’un immeuble dans certains cas (p. 42).
Il faut tout de même féliciter le ministère de la Culture et des Communications d’avoir réalisé en juillet 2019 une évaluation de l’intérêt patrimonial de l’ancienne école normale Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours. Cette étude de 34 pages reconnaît au site de l’École normale et au bâtiment, tant extérieur qu’intérieur un intérêt patrimonial. Heureusement, il y a un élément qui suscite de l’espoir et nous motive à faire reconnaître ce bâtiment, c’est le désir persévérant d’un organisme créé en 1987, la Fondation Saint-Joseph-de-l’Espérance de vouloir convertir l’immeuble en 84 logements abordables et d’y maintenir idéalement certaines activités encore présentes, dont la Maison de la culture de Bellechasse — qui y est déjà bien installée et dont le déménagement pourrait entraîner des coûts de l’ordre de 10 à 12 millions $ de fonds publics, sans compter les frais de déménagement et autres. L’Oasis Saint-Damien démontre qu’un projet de logements est réalisable. Le plan de blocage du consortium d’architectes retenu par la Fondation Saint-Joseph-de-l’Espérance prévoit l’aménagement de logements complets et autonomes, réparti en 22 logements 2 ½, 28 logements 3 ½, 28 logements 4 ½ et 6 logements 5 1/2.

Des études réalisées par le GRT Nouvel habitat semblent démontrer les besoins du milieu régional et la rentabilité à long terme. Ce genre de projet concorde parfaitement avec la nouvelle stratégie d’habitation énoncée en août 2024 par le gouvernement du Québec. On y recommande d’exploiter les potentiels des immeubles existants. Puis, on y lit clairement ceci : Certains actifs immobiliers gouvernementaux sous-utilisés seront mis à contribution pour faciliter la réalisation de projets de logements […]. Certains de ces immeubles pourront être également cédés à certains organismes en dérogation aux règles usuelles d’aliénation des immeubles gouvernementaux pour être utilisés prioritairement pour des logements sociaux, abordables ou étudiants (Stratégie en habitation, MAMH, 2024, p. 32).
Valeurs patrimoniales du bien concerné
L’ancienne École normale constitue la dernière œuvre majeure de la congrégation Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours qui a exercé un rôle de grande importance dans la municipalité de Saint-Damien-de-Buckland et dans la région de Bellechasse. Ce témoignage matériel imposant a une puissante valeur historique et sociale pour l’ensemble de la population de cette municipalité. D’ailleurs, la population locale et régionale fréquente encore régulièrement l’immeuble.L’ancienne École normale devenu Collège exprime de nombreuses valeurs patrimoniales, bien qu’elles soient fort différentes de celles des bâtiments anciens traditionnels. Ici, sur le plan architectural, il faut se référer au côté novateur de la construction entre 1959 et 1961.

revêtement en pierre et en céramique de couleurs et motifs variés (photo : album des finissantes normaliennes de 1964).
Certes, sa forme rectangulaire allongée ne semble pas exceptionnelle, mise à part la rencontre en angle des deux parties. Par contre, le traitement et la forme des espaces communautaires (salle académique et chapelle) constitue une rupture heureuse et originale par rapport à l’ensemble institutionnel. De plus, par son ossature de béton armé et plus particulièrement son assemblage de colonnes, poutres et dalles en béton, ce bâtiment voit sa structure porteuse simplifiée permettant une planification facilitée des fonctions et divers aménagements intérieurs. Cette façon de construire, inventée à la fin du XIXe siècle, fut remise de l’avant au Québec à la fin des années 1950 où des courants de modernisation des modes et formes de construction avaient cours au Québec avec des architectes progressistes tels Jean-Marie Roy et Noël Mainguy. Jean-Marie Roy (1925-2011), porteur de ce renouveau architectural, mérite autant que sa mémoire soit conservée que son bâtiment. Tout raser son œuvre serait un affront indescriptible. L’architecte qui a construit ce bâtiment et les pavillons du Centre jeunesse se serait même inspiré de son expérience de Saint-Damien pour concevoir et construire le Campus Notre-Dame-de-entre 1963 et 1965, reconnu site patrimonial (terrain et extérieur des bâtiments) par le MCC depuis le 15 septembre 2015.
Jean-Marie Roy a reçu de nombreuses distinctions pour ses réalisations et l’ensemble de sa carrière et un livre biographique lui a été consacré en 2012 par Martin Dubois qui le considère comme l’architecte le plus éminent de la période 1960-1970. On peut le percevoir comme un des audacieux architectes de la révolution tranquille qui ont laissé leur marque dans le paysage, notamment en rendant le béton multiforme.
Parmi les autres éléments intéressants du bâtiment de Saint-Damien, ce sont les bandeaux de fenêtres et son lanterneau allongé sur le toit servant de puits de lumière qui propulsent beaucoup de clarté dans les divers espaces du dernier étage. En prime, la localisation du bâtiment sur la colline Notre-Dame procure des vues saisissantes sur le plan d’eau des Sœurs, le campus des orphelins, le cœur institutionnel de Saint-Damien et l’ensemble du village. À l’inverse le bâtiment constitue un repère incontournable vu des collines au sud-est.


Enfin, soulignons l’intégration du mobilier (vitrine d’exposition dans le corridor d’entrée de la grande salle, tablettes de bibliothèque ou de classes, armoires de rangement, chute à déchets, etc.) qui démontre le sens pratique des concepteurs.



Sur le plan artistique, les architectes ont varié les matériaux et leur coloration à l’extérieur. À l’intérieur, ils ont su intégrer des œuvres d’art dont le chemin de croix de Hunter dans l’ancienne chapelle (présentement au musée des Sœurs), une grande sculpture sur bois du même artiste et les rampes de céramique en tuiles rouges vernissées de Claude Vermette à l’entrée de l’ancienne chapelle, devenue salle de spectacles; salle qui a conservé des éléments de menuiserie d’origine aux portes d’entrée et aux confessionnaux.
S’ajoute à ces éléments artistiques, les murs de briques Citadelle de couleurs variées, les nombreux gardes-de-corps et escaliers dont le profilage de fer forgé traverse tous les étages avec les impressions de vertige qui y sont associées.

Le bâtiment a conservé un bon état d’authenticité. Certes, à l’extérieur des matériaux de revêtement ont dû être remplacés, mais ces interventions ne sont pas irréversibles. De plus, certains balcons plus ou moins utiles sur le mur pignon ont été enlevés, mais ce n’est rien de majeur. À l’intérieur, comme le bâtiment a jusqu’à récemment conservé sa vocation éducative, peu de modifications majeures ont été réalisées, mis à part les sections utilisées par l’Oasis. On note par contre des fonctions anciennes abandonnées, notamment la piscine et la grande cafétéria, mais dans un autre contexte, ces usages pourraient renaître car les espaces n’ont pas été altérés.


Sur le plan paysager, l’ensemble du campus devrait être conservé. Il constitue un îlot de bâtiments bien intégrés sur la colline Notre-Dame. À notre avis, les huit pavillons en béton devraient être réhabilités, convertis en logements et reconnus site patrimonial.


Ce site aménagé par les religieuses a été pour la municipalité de Saint-Damien une source d’inspiration et d’avant-garde urbanistique quant à l’aménagement de structures bâties exigeant beaucoup d’espace, tels l’École secondaire, l’Aréna régionale et le Centre de plastique. L’ancienne École normale représente toujours l’élément dominant de ce nouveau quartier accueillant de multiples fonctions communautaires, éducatives et sportives. Faire disparaître ce bâtiment, marquant par sa hauteur et son empreinte au sol, causerait la perte d’un puissant repère visuel et créerait un vide immense dans le paysage.

Enfin, le bâtiment a une valeur environnementale fort importante en cette période où on doit privilégier le développement durable, non le développement débridé. Selon une étude réalisée par la firme Studio Carbone sur le bâtiment, la démolition entraînerait 53 % plus d’émission de GES qu’une rénovation, provenant majoritairement des structures de béton en bon état de la période de construction. (Évaluation carbone stratégique, rapport de synthèse, Collège de Saint-Damien-de-Buckland, mai 2024, 12 p.). Sans compter qu’un bâtiment démoli ne peut plus offrir de possibilités de réutilisations sociales ou économiques pour son milieu…
Envoyer cette construction au site d’enfouissement constituerait un gaspillage inacceptable tant en ressources matérielles qu’humaines. Combien coûterait de reconstruire un bâtiment de plus de 15 000 m2 aujourd’hui? Juste pour donner une idée, la construction de l’école secondaire du Phare à Charlesbourg, inaugurée le 18 novembre 2024, a coûté plus de 174 millions $ pour une superficie totale de 19 797 m2. Si nous convertissons ce coût actuel par mètre carré, nous pourrions extrapoler que reconstruire le collège Saint-Damien avoisinerait les 130 millions $.
https://www.ameqenligne.com/news_pdf/pdf_docs__20241118011144_20_10.pdf
Selon notre analyse, l’ensemble de l’immeuble doit être conservé en privilégiant son enveloppe extérieure et à l’intérieur en conservant les éléments artistiques ou architecturaux conçus par les deux architectes adeptes de cette architecture moderniste.
À notre avis, le classement de ce bâtiment comme immeuble patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications permettrait de le reconnaître à sa juste valeur patrimoniale et, du même coup, contribuerait à en assurer la pérennité dans le paysage de Saint-Damien-de-Buckland pour les générations actuelles et futures.
Gaston Cadrin, vice-président Patrimoine et Environnement (GIRAM
Bibliographie
Baillargeon Stéphane, « Jean-Marie Roy 1925-1911, l’architecte de la modernisation tranquille », Le Devoir, 9 novembre 2011.
Anne Carrier architecture, Atelier 21 en collaboration avec Docomomo Québec, Collège St-Damien, Étude de potentiel de réhabilitation, chapitre 2 : Valeur patrimoniale du Collège, 9 juin 2023, p. 6-13.
Collectif, Saint-Damien-de-Buckland 1882-1982 : route des Montagnes, 1982, 703 p.
Dubois Martin, « Jean-Marie Roy, une audace béton », Continuité, numéro 142, automne 2014, p.33-35.
Fondation Saint-Joseph de l’Espérance, Projet de réhabilitation du Collège de St-Damien, État de la situation au 1er mars 2024, Document synthèse, 13 p, plus annexes.
Frenette Marika et Studio Carbone, Évaluation carbone stratégique, rapport de synthèse, Collège de Saint-Damien-de-Buckland, mai 2024, 12 p.
GRT Nouvel habitat, Collège Saint-Damien, Analyse de besoins en logements communautaires abordables, voir annexe 3.2 : Valeur patrimoniale du Collège, p. 6-13 et annexe 3.3 : Bénéfice environnemental, p. 14-15, juillet 2023.
Marcoux Alain (GRT Nouvel Habitat), Anne Carrier (Anne Carrier Architecture), France Vanlaethem (Docomomo Québec), Claudia Audet et Mathieu Turgeon, architectes, Pourquoi conserver le collège de Saint-Damien? Document en soutien aux démarches de la Fondation St-Joseph de l’Espérance, 20 février 2022, 13 p.
Ministère de la Culture et des Communications, Ancienne école normale Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, Évaluation de l’intérêt patrimonial, juillet 2019, 34 p.
Nadeau Jean-François, « Place au neuf », Le Devoir, 4 janvier 2022.
Rapport du Vérificateur général du Québec pour l’année 2020-2021, chapitre 3 : Sauvegarde et valorisation du patrimoine immobilier, juin 2020, p. 7-61.
Société historique de Bellechasse, « Regards sur notre patrimoine, La Congrégation des sœurs Notre-Dame du Perpétuel Secours », Au Fil des ans, vol 29, No 2, p. 3-103.
Vanlaethem France, « Collège de Saint-Damien, Saint-Damien-de-Buckland », Docomomo, 20 mai 2023.