Demande de citation du bâtiment « Les Scies Mercier » à titre de bien patrimonial par la Ville de Lévis
L’affaire Mercier : Le GIRAM demande à la ville de Lévis de citer le bâtiment « Les Scies Mercier » à titre de bien patrimonial
Lévis, le 26 août 2020
Monsieur Gilles Lehouillier, maire
2175, chemin du Fleuve, Lévis, G6W 7W9
Objet : Demande de citation du bâtiment « Les Scies Mercier » à titre de bien patrimonial par la Ville de Lévis.
Monsieur le Maire,
Par la présente, le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) demande à la Ville de Lévis d’adopter une résolution afin de citer le bâtiment, connu sous la dénomination « Les Scies Mercier », situé au 220, rue Napoléon-Mercier, à Lévis (cadastre 5 064 756). Cette citation à titre de bien patrimonial peut s’exercer par la Ville en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel de 2012 (articles 127 et suivants). Un tel statut permettrait d’assurer la pérennité au site et à ce bâtiment industriel du XIXe siècle, un des derniers subsistants dans l’arrondissement de Desjardins.
Principaux motifs de la demande de citation:
1- La valeur historique et patrimoniale du bâtiment
Le site des Scies Mercier fait partie du paysage, comme bâtiment industriel, depuis au moins 1891. D’ailleurs, une affiche présente jusqu’à récemment sur le bâtiment en attestait l’historicité (119 ans en 2020) et la fierté de cette ancienneté par le propriétaire actuel. Selon nos recherches, Napoléon Mercier possédait déjà la manufacture au début du siècle et aurait agrandi sa propriété, le 18 février 1911, en acquérant de la Royal Trust Company de Québec au montant de 3 500 $, la maison de briques du XIXe siècle (lot 597), dont la façade donne sur la côte du passage. Cette propriété appartenaient au médecin Charles-Onésime Collet qui a fait faillite et elle fut mis en vente par le shérif après un avis public à la porte de l’église, le 17 juin 1892. Le 16 novembre 1892, Joshua Thompson, marchand de la ville de Lévis en avait fait l’acquisition pour 2 500 $. Puis, le 12 décembre 1937, Alphonse O. Mercier vendait cet emplacement et son bâtiment (aujourd’hui, le lot 2 434 475) à son beau-frère, Arthur Caron (marié à Simone Mercier). Depuis, cette propriété est complètement détachée du site industriel actuel.
Il semble évident qu’une partie du bâtiment industriel reposant sur une solide fondation en pierre témoigne d’une construction dans le dernier quart du XIXe siècle.
L’entreprise a pris différents noms au cours du siècle : La manufacture de scies de Lévis limitée (vers 1916) et Les Scies Mercier limitée à partir des années 1940.
Il faut souligner que Napoléon Mercier, marié à Délima Ruel, a joué un rôle important sur le plan social et économique de la vie Lévisienne. Par la suite, son fils Alphonse O. Mercier assurera la relève de l’entreprise qui sera reprise par son fils Henri vers 1946. Depuis environ 25 ans, l’entreprise appartient à la famille Garant, originaire de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud.
Le bâtiment industriel a subi quelques agrandissements au fil des ans, dont un de moindre valeur, ayant subi un effondrement en 2018, a été démoli depuis.
Cette industrie, plus que centenaire, a joué un rôle clé dans le développement économique de la zone riveraine de Lévis-Lauzon, au moment où les chantiers de bois (quais de transformation et d’exportation) étaient encore omniprésents sur les rives du fleuve. De ce fait, cette industrie est au cœur même de l’histoire de Lévis au 19e siècle. D’ailleurs, avant de déménager à son emplacement actuel, cette manufacture avait commencé ses activités sur la rue Saint-Laurent. Bien que le bâtiment ait souffert au cours des 20 dernières années d’un manque d’entretien en raison du déplacement graduel des activités de la compagnie les Scies Mercier (maintenant compagnie 9122-2778 de la famille Garant), il demeure encore solide et récupérable. De plus, il appert que plusieurs équipements anciens destinés au limage des scies ou à d’autres usages plus spécifiques se trouvaient jusqu’à preuve du contraire à l’intérieur.
En raison de sa présence centenaire dans le paysage du Vieux-Lévis, cet ensemble multiforme est remarquable par le maintien de son caractère traditionnel, du moins dans la facture de son enveloppe extérieure. De plus, il est situé au cœur d’un secteur culturel et historique que la Ville doit conserver parce que porteur d’avenir dans le cadre d’un redéploiement d’infrastructures et d’activités touristiques permettant d’assurer, dans un avenir pas très éloigné, une interface aux activités touristiques de la Capitale.
De l‘avis du GIRAM, il doit absolument être conservé dans son intégrité avec une implication éventuelle indispensable de la Ville de Lévis. Contrairement à d’autres villes de même taille, Lévis, ne possède aucun musée ou centre d’interprétation, mis à part une mise en valeur dans le secteur du chantier AC Davie. Selon l’historien et spécialiste du patrimoine, Michel Lessard :L’industrie du bois a fait la fortune de Québec et Lévis entre 1820 et 1890. Les Scies Mercier de Lévis pourraient devenir un centre d’interprétation du seul vestige architectural témoignant de cet épisode de notre histoire économique. Il faut faire appel à un ou une architecte inspiré (e) pour aménager cet espace unique. Le détruire serait gommé une trace majeure de ce qui nous a fait comme société1.
De plus, ce bâtiment témoigne éloquemment de l’industrie du bois à Lévis, notamment du bois de sciage pour l’exportation, mais également pour la construction navale en bois. Lévis demeure une ville de chantiers maritimes. Et après l’ère des grands voiliers, nos chantiers ont servi à lancer des goélettes et encore dans les années cinquante, les célèbres Gaspésiennes construites au chantier situé au pied de la côte Bégin. L’entreprise « Les scies Mercier » devait jouer un rôle complémentaire dans cette production, tout au moins pour l’aiguisage des scies.
2- Le plan particulier d’urbanisme (PPU) pour le secteur Vieux-Lévis, adopté en 2017, prônait sa conservation
On y lit que :
« Le bâtiment des Scies Mercier, situé au 220 rue Napoléon-Mercier, est l’un des derniers témoins de l’activité industrielle de Lévis au XIXe siècle. L’intégrité exceptionnelle du bâtiment, sa valeur patrimoniale supérieure de même que la volumétrie particulière de ses toitures contribuent à caractériser ce carrefour d’accès important du Vieux-Lévis. La typologie particulière de cet immeuble de la fin du XIXe siècle attire l’œil des automobilistes et des piétons qui déambulent sur la côte du passage et sur la côte Labadie »2.
On pourrait ajouter que ce bâtiment est perceptible aussi dans le parc de la Terrasse du Chevalier-de-Lévis comme le démontre bien la photo ci-dessous:
Ce bâtiment, en raison des équipements industriels encore en place, pourrait être affecté à une vocation d’interprétation des chantiers de bois et des industries connexes. Il est déplorable et incompréhensible, qu’une ville de 145 000 habitants (à l’instar de Sherbrooke, Saguenay, etc.), d’une grande richesse historique, ne possède encore aucun centre d’interprétation sur cette activité passée ayant marqué sa vie sociale et économique. Mais pour ce faire, une implication de la Ville sera nécessaire, voire indispensable.
Enfin, ledit bâtiment est identifié dans le schéma de développement et d’aménagement de la Ville adopté en 2007 et est reconnu comme ayant une grande valeur dans l’inventaire des bâtiments patrimoniaux du territoire lévisien.
3- De nombreux organismes (Fédération histoire Québec, APMAQ, GIRAM, etc.) et citoyens se sont déjà opposés à la démolition du bâtiment en 2010 et en 2020
Pour toutes les raisons, ci-dessus énumérées, nous demandons à la Ville de Lévis de déclarer dans les meilleurs délais, le bâtiment « Les Scies Mercier » et ses équipements industriels anciens, au titre de biens patrimoniaux. Un tel statut contribuerait à concrétiser la réelle valeur historique de cet ancien bâtiment industriel lévisien et pourrait assurer à long terme sa conservation et éventuellement, sa réhabilitation à des fins culturelles et touristiques
Acceptez, monsieur le maire, nos salutations les plus cordiales et notre soutien dans ce dossier.
Gaston Cadrin, vice-président au patrimoine (GIRAM)
Pj : plan cadastral
CC : Ministre de la Culture et des Communications, madame Nathalie Roy
1 Page Facebook: Pour la sauvegarde du patrimoine au Québec, commentaire du 22 janvier 2020.
2 Programme particulier d’urbanisme du Vieux-Lévis, Annexe au règlement RV-2011-11-22 sur le plan d’urbanisme, juillet 2017, p. 63.