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Demande de classement des bâtiments du Château Beauce
sis au 102, rue Notre-Dame Sud, Sainte-Marie (Lot cadastral : 2 961 129, propriété de la Société Alzheimer Chaudière-Appalaches) et ajout d’une aire de protection à l’église de Sainte-Marie, classée en 2001
Lévis, le 18 octobre 2018
Madame Nathalie Roy,
Ministère de la Culture et des Communications,
225, Grande Allée Est, 1er étage, bloc A Québec (Québec) G1R 5G5
Objet : Demande de classement des bâtiments sis au 102, rue Notre-Dame Sud, Sainte-Marie
(Lot cadastral : 2 961 129, propriété de la Société Alzheimer Chaudière-Appalaches) et ajout d’une aire de protection à l’église de Sainte-Marie, classée en 2001.
Madame la Ministre,
La présente fait suite à la lettre envoyée à la ministre Montpetit, en date du 17 septembre 2018, par MM. Charles Breton-Demeule et Guillaume St-Jean concernant la sauvegarde des bâtiments et du site conventuel, occupés jusqu’en avril 2015 par les Oblates de Béthanie.
Après une visite du lieu, lundi le 8 octobre dernier, le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées (GIRAM, créé à Lévis en 1983) a été impressionné par la beauté de ce site patrimonial, unique en Beauce. Nous avons été particulièrement étonné de l’excellent état de conservation de l’ensemble du bâti et de la nature pittoresque qui l’entoure. Nous n’avons pu constater la beauté des intérieurs, mais quelques photos prises par le photographe mariverain, François Laliberté, en révèlent toute la beauté et l’excellent état de conservation.
Nous avons été tellement scandalisés d’apprendre que la Ville de Sainte-Marie acceptait béatement, sans étude approfondie et sans consultation de sa population, qu’un futur acquéreur-promoteur de logements rase le tout que, le 9 octobre 2018, nous avons adressé par courriel au maire, Gaétan Vachon, une demande de mise en veilleuse de ce projet destructeur, en plein cœur institutionnel de ce milieu urbain traditionnel. Dans cette missive, nous dénoncions le processus en catimini qui a conduit à cette décision erratique par le comité consultatif d’urbanisme et le conseil municipal (résolution 218-09-564) et nous avons fait quelques propositions à la Ville et également au ministère de la Culture et des Communications (Annexe 1).
Ce dossier, comme tant d’autres auparavant, démontre l’incapacité des municipalités à reconnaitre et à protéger leur patrimoine, démontrant l’échec quasi total de l’application de l’article 127 de la Loi sur le patrimoine culturel par celles-ci.
Après une visite du site et une analyse des motifs non justifiés de cette démolition potentielle, il a été recommandé à l’unanimité, au CA du GIRAM du 10 octobre 2018, de préparer une demande de classement à titre de « Bien patrimonial » en vertu de la Loi du patrimoine culturel, Section IV, article 29 :
Le ministre peut, après avoir pris l’avis du Conseil, classer en tout ou en partie tout bien patrimonial dont la connaissance, la protection, la mise en valeur ou la transmission présente un intérêt public.
Ainsi que l’article 30 :
Le ministre doit, avant de prendre l’avis du Conseil, transmettre un avis de son intention de procéder au classement au propriétaire du bien ou à celui qui en a la garde s’il s’agit d’un document ou d’un objet patrimonial et, s’il s’agit d’un immeuble ou d’un site patrimonial, à la personne indiquée comme propriétaire au registre foncier ainsi qu’au greffier ou secrétaire-trésorier de la municipalité locale sur le territoire de laquelle il est situé.
Notre demande de recours à ces dispositions se fonde sur l’urgence d’une intervention de votre ministère, mais également sur une multitude de motifs très valables, dont les suivants :
1- Cet ensemble patrimonial, construit sur un terrain de 4772 mètres, se situe dans l’environnement immédiat de l’église (classée en 2001) et du presbytère, et fait partie du cœur institutionnel de Sainte-Marie (Annexe 2 : plan au Registre foncier).
2- Ce bien patrimonial a une grande valeur historique et symbolique pour la population beauceronne (Château de Beauce), mais il a également une valeur nationale en raison de la rareté des résidences bourgeoises du début du siècle dans les régions ; qui plus est cette maison a été construite par un architecte de renom, Jean-Omer Marchand[1]. Il s’agirait d’une des premières réalisations de Marchand, premier architecte canadien-français, diplômé à l’école nationale supérieure des beaux-arts de Paris à la suite de son retour au Québec en décembre 1902. Cet architecte a à son crédit plusieurs travaux dont la reconstruction de la chapelle du grand séminaire de Montréal et il est associé à divers architectes pour des hôpitaux, la prison de Bordeaux et la bibliothèque et le restaurant du Parlement du Québec.
3- Principaux propriétaires :
3a- Cette propriété (partie du lot 498 et 498 -1, cadastre de la paroisse de Sainte-Marie) a été initialement en possession de M. Georges-Siméon Théberge, notaire à Sainte-Marie de 1881 à 1939 qui y a fait construire, en 1903, une résidence de style éclectique, selon les plans de l’architecte Marchand (Annexe 3 : autres photos).
3b- Le 5 janvier 1917, le notaire Damase Eleusippe Ernest Larue, notaire à Sainte-Marie de 1884 à 1940, acquiert un terrain de 112 pieds de front sur 70 pieds de profondeur derrière la résidence de Me Théberge (lot 498-2) et suite à son partenariat avec le notaire Théberge, il y a agrandissement de la maison (ajout d’un étage, coiffé du toit mansardé actuel).
3c- Le 29 septembre 1932, les notaires Théberge et Larue font donation entre vifs à la Corporation Les sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception de l’immeuble connu sous les numéros 498-1 et 498-2 et les bâtisses dessus construites sur un terrain de 112 pieds de front par 230 pieds de profondeur. Selon le présent contrat, les deux notaires possèdent cette propriété « chacun pour une moitié indivise ».
Se réservent les donateurs : la jouissance et l’usufruit leur vie durant, et jusqu’au décès du survivant des deux, de tout ce qui est ci-dessus donné, moins cependant le monastère situé en arrière de la bâtisse dite « Château Beauce » dont la dite Corporation aura l’entière propriété à compter des présentes et la Corporation n’aura la propriété des dits immeubles réservés en usufruit qu’au décès des survivants des deux. Il est bien entendu en outre ; que les donateurs se réservent tous les meubles, meubles de ménage et autres effets mobiliers qui sont dans les dites bâtisses, moins ceux qui sont dans le monastère de même que les meubles qui sont fixés à perpétuelle demeure, tels que miroirs, tableaux, lustres et autres meubles tant ceux fixés à clous ou fixés autrement dans la bâtisse connue sous le nom de « Château Beauce »[2].
Me Théberge aurait selon toute vraisemblance fait construire, vers 1930, le monastère et la chapelle à l’intérieur de celui-ci, entre autres avec l’aide de sa mère, « Madame Marie Georgianna Théberge Ouellet, une des principales donatrices pour le susdit Monastère[3], bien que son nom reste dans l’ombre suivant son désir exprimé et pour le repos de l’âme de chacun des donateurs ». Ce monastère serait une véritable affaire de famille, puisque le contrat de donation révèle que deux nièces de Me Théberge, Marie-Anne Lacroix (Sœur Saint-André de La Croix) et sa sœur Marie-Louise Lacroix (sœur Marie du Bon-Pasteur) ont prononcé leurs vœux perpétuels dans la Communauté Immaculée-Conception de Montréal, respectivement en 1927 et 1929. Originaires de Sainte-Marie, elles bénéficiaient ensemble d’une somme de 20 000$ plus intérêt d’un don de leur frère Édouard Lacroix , marchand de bois à Saint-Georges, lequel fonds était géré et distribué semi-annuellement par l’entremise de leur autre frère, Charles Lacroix, également marchand de bois, mais à Sainte-Marie.
Dans le contrat de donation, les deux jeunes religieuses Lacroix spécifient que :
Si un couvent de notre communauté est établi à Ste-Marie de la Beauce, sur la propriété de M.M. Théberge et LaRue (le susdit G S Théberge est notre oncle) nous nous engageons à donner notre susdit capital et les intérêts que nous possédons pour le soutien et le maintien de la communauté des Sœurs Missionnaires de L’immaculée Conception de Ste-Marie de Beauce [4] .
De plus, les donateurs font ajouter dans les conditions du legs du contrat de 1932, l’obligation pour les donataires de redonner les bâtiments et meubles à une autre communauté religieuse :
Il est spécialement convenu que si ladite Corporation, pour quelques raisons que ce soit, venait à quitter la paroisse de Ste-Marie et cesser d’habiter les propriétés ci-dessus données, elle ne pourra pas vendre ces propriétés à qui que ce soit, mais elle devra les donner gratuitement à une autre communauté religieuse, soit d’hommes ou de femmes, avec tous les meubles garnissant actuellement le monastère, afin que le désir des donateurs soit rempli, à savoir qu’il y ait toujours une communauté qui occupera les terrains et habitera les bâtisses ci-dessus données comme établissement religieux, ladite Corporation ne devant alors enlever que les biens meubles qu’elle y aura apportés ou ceux qu’elle aura achetés elle-même par la suite.
Enfin, rappelons que dans ce contrat, « les donateurs se réservent le droit de se faire inhumer dans le caveau en dessous de la Chapelle. Les donateurs prient la Corporation de faire chanter annuellement dans la Chapelle du Monastère trois services aussi longtemps que possible ». Il conviendrait de faire les vérifications, à savoir, si leurs corps se trouvent toujours sous la chapelle.
3d- Le 3 aout 1967, la Corporation Les sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception fait donation entre vifs à titre gratuit de l’immeuble (lots 498-1, 498-2 et 498-20) à la Corporation Les Oblates de Béthanie avec bâtisses dessus construites, circonstances et dépendances[5]. Cette acquisition permettra d’héberger les religieuses de la communauté et permettre à celles-ci de recevoir des soins de longue durée.
3e- Le 17 février 2015, la Corporation des Oblates de Béthanie obtiennent la levée de l’obligation de redonner le bien légué, le 29 septembre 1932, à une autre communauté religieuse, car cette communauté est prête à tout céder gracieusement à la Société Alzheimer de Chaudière-Appalaches. Le tribunal autorise la demanderesse à aliéner l’Immeuble désigné comme étant le lot 2 961 129 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Beauce, avec bâtiments dessus construits, ainsi que tous les meubles le garnissant, par acte de donation entre vifs à la Société Alzheimer Chaudière-Appalaches ou, à toute autre personne qui ne constitue pas une communauté religieuse;
En cas d’impossibilité de la demanderesse de conclure un acte de donation avec la Société Alzheimer Chaudière-Appalaches ou avec toute autre personne qui ne constitue pas une communauté religieuse, AUTORISE la demanderesse à aliéner l’immeuble désigné comme étant le lot 2 961 129 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Beauce, avec bâtiments dessus construits, ainsi que tous les meubles le garnissant, par acte de vente, à toute personne intéressée (Jugement No 350-17-000017-155, sous la présidence du juge Alain Michaud).
3f- Le 17 avril 2015, Les Oblates de Béthanie cède par donation entre vifs à la Société Alzheimer de Chaudière-Appalaches, ayant son siège social à Sainte-Marie, un immeuble connu et désigné comme étant le lot 2 961 129 du cadastre de Québec.
Avec bâtisses dessus construites et comprenant entre autres les sections du Château Beauce, la Chapelle, le Petit monastère (ancienne résidence des domestiques) et la section de l’infirmerie, portant le numéro civique 102, rue Notre-Dame Sud, à Sainte-Marie, province de Québec, G6E 4A3.
Dans ce contrat, la Société Alzheimer accorde à la Ville de Sainte-Marie une préférence d’achat pour l’acquisition de l’immeuble et les biens patrimoniaux faisant l’objet des présentes.
3g- En 2017, face aux couts prohibitifs de son projet de mise à niveau des bâtiments pour loger ses services et héberger des personnes atteintes de la maladie Alzheimer, la Société Alzheimer de Chaudière-Appalaches décide de se départir du legs des Oblates de Béthanie.
Tel que prévu au contrat de 2015, elle l’offre à la Ville de Sainte-Marie dans une correspondance du 25 janvier 2017 :
« Pour faire suite à la rencontre du 7 novembre 2016, dans laquelle vous faisiez part, à la Société Alzheimer Chaudière-Appalaches, que vous n’étiez pas intéressé à faire l’acquisition du couvent et de ses biens patrimoniaux, même sans apport monétaire, la société Alzheimer de Chaudière-Appalaches aimerait avoir, de la ville, une lettre confirmant votre décision concernant ce bâtiment »[6].
À sa séance régulière du 13 avril 2017, la Ville de Sainte-Marie adopta par la résolution numéro 2017-02-174, la décision suivante :
Que la Ville de Sainte-Marie renonce purement et simplement à se prévaloir de sa préférence d’achat en sa faveur décrite à l’acte publié au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Beauce le 17 avril 2015 sous le numéro 21 462 171, et plus particulièrement en ce qui a trait à l’acquisition des biens patrimoniaux et de l’immeuble étant connu et désigné comme étant le lot 2 961 129 du Cadastre du Québec. Adopté à l’unanimité.
3h- À la suite de ce refus, la Société Alzheimer aurait mis en vente l’ensemble des immeubles par le biais de la société de courtage Remax et William Boutin courtier, sans spécifier que certains bâtiments devraient être conservés, compte tenu de leur grande valeur historique. De plus, nous avons appris que l’offre actuelle de Gestion TRI, inc serait très basse, soit peut-être 100 000 $, bien que l’ensemble soit évalué, en 2018, à 1 173 800 $ (bâtiments : 949 500 $ et terrain : 224 300 $).
3i– Bien qu’aucun contrat n’est actuellement signé, le futur acquéreur a obtenu le feu vert du comité consultatif d’urbanisme (séance du 27 aout 2018) et du conseil municipal (séance du 10 septembre 2018) sans qu’aucun avis public et qu’une consultation de la population n’aient eu lieu. Par contre, selon notre informateur à la Société Alzheimer, les meubles ne seraient pas compris dans l’éventuelle transaction, ni le chemin de croix, réalisé par les célèbres sculpteurs Bourgault de Saint-Jean-Port-Joli, lequel aurait été cédé à la Fabrique de Sainte-Marie.
4- Fait particulier et exceptionnel : les meubles des anciens propriétaires et le caractère exceptionnel de l’intérieur ont été transmis jusqu’à aujourd’hui en raison d’une des conditions de la donation du 29 septembre 1932 qui spécifiait que la donation était faite avec tous les meubles et que ces biens mobiliers devaient être transmis par donation advenant que la communauté transfère ses biens à une autre communauté religieuse. Selon, le spécialiste en patrimoine, Michel Lessard, le mobilier et l’ambiance intérieure puiseraient dans le courant éclectique. Plusieurs meubles et pourraient être antérieurs à la maison. Voici la description qu’il en fait :
Maison de style éclectique (1850-1910). Plus spécifiquement, salle à dîner néo-empire, salon victorien d’esprit Louis XV, escalier puisant dans le mouvement anglo-américain pré moderne Arts & Craft et maison éclectique début du siècle puisant à de nombreuses influences stylistiques. Le style éclectique aussi appelé Victorien dans les colonies anglaises demeure un amalgame d’éléments combinés venus de différents styles passés. On s’amuse avec la machine-outil. Le mobilier de salon est plus ancien que la maison, également celui de la salle à dîner. La cheminée joue dans l’élan Arts and Craft[7]. L’historien de renom associe cette maison et son ameublement au grand courant de résidences bourgeoises qui ont été construites dans le Mille carré doré à Montréal et trouve étonnant qu’on retrouve ce type de construction, à Sainte-Marie de Beauce, plein milieu rural à l’époque.
Ce legs de meubles résidentiels identifié au « Château Beauce », qui a franchi neuf décennies est marqué par un devoir de conservation; l’éparpillement de ces biens serait un affront à la mémoire des donateurs. Comment protéger la volonté des donateurs et cette collection de biens mobiliers bien représentatifs de la bourgeoisie de l’époque, sans un classement des meubles et du bâtiment qui les abrite depuis le début du 20esiècle? Un tel legs de particuliers qui s’est transporté d’une communauté religieuse à l’autre est, à notre connaissance, unique au Québec.
Quant aux bâtiments, nous convenons que tous n’ont pas la même valeur patrimonial, mais le Château Beauce et le petit monastère devraient être prioritairement conserver, car ils ont une forte valeur historique et identitaire dans l’esprit des Beaucerons et au delà (Annexe 3 et annexe 4). Ce site est reconnu par l’Association touristique de Beauce, la Société des Patrimoine des Beaucerons et fait partie du circuit patrimonial de la Ville de Sainte-Marie, il serait scandaleux que tout soit détruit pour satisfaire la volonté d’un promoteur sans scrupule et peu conscient de la valeur qu’accorde la population du milieu à ces bâtiments et à son environnement.
Suivant les informations ci-dessus, il nous paraît pertinent et urgent que la ministre de la Culture et des Communications intervienne pour classer et protéger ces biens patrimoniaux, tant immobiliers que mobiliers et qu’elle demande les avis nécessaires au Conseil du patrimoine culturel du Québec (CPCQ).
Nous recommandons également que votre ministère établisse une aire de protection de 152 mètres (art 40 de la Loi) de la limite sud-est de l’église classée, de la rue Notre-Dame Sud, jusqu’à l’avenue St-Thomas.
Espérant que vous accueillerez favorablement cette requête et que vous nous tiendrez au courant des mesures que vous entendez prendre pour éviter la démolition de bâtiments solides et à forte valeur patrimoniale dans le voisinage de l’église classée en 2001.
Acceptez, Madame la Ministre, nos félicitations pour votre nomination et nos salutations les plus distinguées.
Gaston Cadrin, Vice-président au patrimoine et à l’environnement,
Le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu,
Bureau de poste de Lévis, C.P. 202,
4870, boul. Guillaume-Couture Lévis (QC), G6V 6N8
[1] http://www.biographi.ca/fr/bio/marchand_jean_omer_16F.html
[2] Contrat de donation du 29 septembre 1932, passé devant le notaire Marcel LaRue (Registre foncier du Québec, acte # 112 706 RB).
[3] Il est possible que ce qu’on appelle le monastère ait été l’ancienne maison des domestiques, justaposée à l’arrière de la résidence principale, dite Château Beauce.
[4] Ibid.
[5] Contrat de donation du 3 aout 1967, passé devant le notaire Paul Poirier (Registre foncier du Québec, acte # 219 380.
[6] Lettre adressée au maire Gaétan Vachon et au directeur général de la Ville, Jacques Boutin.
[7] Michel Lessard, courriel du 17 octobre 2018.
Pièces jointes :
Annexe 1 : Lettre au maire de Sainte-Marie, Gaétan Vachon, le 9 octobre 2018 et annexe de photos.
Annexe 2 : Annexe 2: Plan global du lot 2 961 129, Cadastre du Québec (source Registre foncier).
Annexe 3 : Autres photos, prises le 8 octobre 2018.
Annexe 4 : Articles et commentaires sur le sujet.
Annexe 1 : Lettre au maire Gaétan Vachon
Lévis, le 9 octobre 2018
Monsieur Gaétan Vachon, Maire de Sainte-Marie
Mesdames et messieurs les conseillers
Le 11 septembre dernier, vous avez adopté une résolution « autorisant la démolition, à l’intérieur du périmètre urbain du bâtiment principal sis au 102, rue Notre-Dame Sud » (art: 7,6 de l’ordre du jour). Le 21 septembre, Jean-François Nadeau, du quotidien Le Devoir sonnait l’alarme et se scandalisait de la destruction autorisée par votre conseil de ville d’un des bâtiments les plus prestigieux de votre environnement urbain, votre « Château de Beauce » de style d’inspiration néo-Tudor, construit en 1903 par un architecte canadien-français de renom et unique dans le paysage beauceron. De plus, il présentait sur sa page Facebook, des vues impressionnantes de l’intérieur de cet immeuble historique remarquable et faisant partie de votre circuit patrimonial, juxtaposé à votre cœur institutionnel, dominé par une église classée bien patrimonial national depuis 2001, son presbytère et l’ancienne caserne d’incendie de 1926.
Nous saluons également les démarches entreprises par deux jeunes : l’avocat Charles Breton-Demeule et l’urbaniste Guillaume Saint-Jean qui ont pris soin d’alerter le ministère de la Culture et des Communications de l’erreur que vous apprêtiez à commettre. Ce dossier témoigne une nouvelle fois que les municipalités n’ont pas l’expertise ou la volonté d’assurer leur responsabilité à l’égard de leur patrimoine bâti. À titre d’exemple, cet espace urbain historique aurait, depuis longtemps, du être cité « bien patrimonial », par votre municipalité, selon l’article 127 de la Loi du Patrimoine culturel:
Une municipalité peut, par règlement de son conseil et après avoir pris l’avis de son conseil local du patrimoine, citer en tout ou en partie un bien patrimonial situé sur son territoire dont la connaissance, la protection, la mise en valeur ou la transmission présente un intérêt public.
À titre de vice-président au patrimoine et à l’environnement du Groupe d’initiatives et de recherches au milieu (GIRAM, créé au cégep de Lévis-Lauzon en 1983) et récipiendaire du prix Robert-Lionel-Séguin en 1999 (APMAQ), j’ai pris le temps d’aller observer, lundi le 8 octobre, les immeubles concernés et l’environnement faisant l’objet de votre récente décision de permettre la destruction totale de ce site faisant partie de votre paysage et de votre histoire depuis 115 ans.
À notre avis, rien ne justifie une telle démolition dans votre centre-ville historique. Le bâtiment principal et les bâtiments secondaires ou connexes présentent des caractéristiques architecturales fort intéressantes et ne manifestent aucun signe majeur de détérioration, tant au niveau des fondations que des murs de briques des bâtiments, sans compter ses intérieurs exceptionnels. De plus, on est impressionné par l’harmonie que dégage l’ensemble du site et son environnement naturel composé d’arbres matures d’un grand intérêt, il s’agit d’un véritable havre de paix dont l’intégration, notamment avec le presbytère et l’église (1859) juste au nord, est quasi parfaite. Aucun nouveau bâtiment ne pourra reconstituer cette atmosphère et cette harmonie qui existent présentement.
Nous ne croyons pas que la liquidation de ce site et de son environnement corresponde à vos objectifs d’améliorer la qualité de vie de vos citoyens, notamment en faisant disparaitre l’esprit du lieu et la continuité d’un paysage culturel qui a marqué plusieurs générations de Mariverains et Mariveraines. De plus, si votre service d’urbanisme a pour mission « d’assurer le développement harmonieux de la ville », il est permis de douter que votre récente décision corresponde à ce but inscrit sur votre site Internet.
Nous nous étonnons également du processus que votre Ville adopte dans le cas de démolitions d’immeubles patrimoniaux. Plusieurs municipalités de votre taille ont un règlement inspiré du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire comportant : Comité de démolition, affichage obligatoire, droits des citoyens de s’opposer et appel de la décision du comité de démolition. Il est à se demander si vos citoyens ont été convenablement informés d’une décision qui semble avoir certes passé au comité consultatif d’urbanisme, mais sans la transparence habituelle d’une ville de plus de 13 000 habitants.
Conséquemment, le GIRAM demande au Conseil de ville de Sainte-Marie :
1- De mettre en veilleuse sa décision, tant et aussi longtemps qu’une séance publique de consultation des citoyens n’aura pas eu lieu, ceci, afin de permettre à la population concernée et aux groupes voués à la protection du patrimoine, locaux (notamment la société historique de Nouvelle-Beauce) et nationaux (Action Patrimoine, Association des propriétaires et amis des maisons anciennes du Québec, etc.) d’exprimer leurs points de vue sur un bien culturel dont la valeur dépasse de beaucoup les frontières de votre municipalité;
2- De demander au promoteur-constructeur de faire des plans de recyclage en logements des bâtiments présents actuellement sur le site, du moins les deux principaux ayant un intérêt historique significatif.
De plus, le GIRAM demandera au ministère de la Culture et des Communications :
1- De prolonger le délai de 30 jours faisant suite à la demande d’intervention des deux semeurs d’alerte de septembre 2018, expirant le 19 octobre prochain;
2- D’annoncer un avis d’intention de classement (art 29 et 30) afin d’éviter l’éradication totale de toutes traces historiques et patrimoniales de ce site emblématique reconnue depuis des décennies comme le « Château de Beauce ».
Gaston Cadrin, Vice-président au patrimoine et à l’environnement,
Le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu,
Bureau de poste de Lévis, C.P. 202,
4870, boul. Guillaume-Couture Lévis (QC), G6V 6N8
ANNEXE PHOTO :
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Salle à manger, escalier, boudoir: Photos: François Laliberté
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Annexe 2: Plan global du lot 2 961 129, Cadastre du Québec (source Registre foncier)
![](https://giram.ca/wp/wp-content/uploads/2018/10/image-1024x736.png)
Annexe 3 : Autres photos (par Gaston Cadrin, le 8 octobre 2018)
Voisinage de l’église et du presbytère
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![](https://giram.ca/wp/wp-content/uploads/2018/10/image-7.jpeg)
Coté nord-ouest du bâtiment de 1903, le couvent et le garage:
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Coté sud-est du bâtiment avec son ajout plus récent:
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Annexe 4 : Articles et commentaires sur le sujet :
« La municipalité de Sainte-Marie autorise la destruction du Château Beauce », Le Devoir, Jean-François Nadeau, le 21 septembre 2018.
« Couvent des Oblates de Béthanie : Les discussions pourront commencer le 20 octobre 2018 », Beauce Média, Hubert Lapointe, le 9 octobre 2018.
Commentaires
Opinion de Philippe P. Gobeil, Beauce Média, le 20 septembre 2018
Nous avons baissé les bras
Bonjour, Je me permets ici, par le biais de cette lettre, de m’adresser à tous les Mariverains et Mariveraines ainsi qu’à nos élus municipaux.
C’est avec stupeur et colère que j’ai lu que l’autorisation avait été donnée de démolir l’ancien monastère des Oblates de Béthanie, autrefois résidence des notaires Théberge et La Rue. En lisant ces mots, j’ai été mis devant une vérité cruelle: nous avons tous baissé les bras.
Nous avons baissé les bras, à l’aube de notre 275e, devant notre responsabilité de protéger notre patrimoine bâti (religieux ou non) et devant un centre-ville qui se dévitalise. À ce rythme, et devant la démolition d’un immeuble phare comme le monastère, j’ai l’impression que bientôt il n’y aura qu’une kyrielle de plaques commémoratives devant des terrains vacants.
Nous avons baissé les bras devant des facteurs économiques, en invoquant les coûts que pourraient représenter une décontamination et une mise à niveau. Comme si le simple fait de dire le mot « amiante » nous déculpabilisait de protéger notre héritage collectif. Je suis tout à fait conscient que les coûts peuvent être élevés, mais n’avons-nous pas prouvé, par le passé, que les Beaucerons savent se retrousser les manches pour ce qui leur tient à cœur?
Nous avons baissé les bras devant notre devoir de mémoire collective, si on accepte que seule une fine clôture de fer forgé soit le dernier témoin de ce qui fut jadis surnommé le « Château Beauce ». Parce que « ça fait un peu plus privé (pour les résidents). »
Nous avons baissé les bras face au mirage que l’endroit serait un milieu de vie parfait pour des personnes âgées autonomes en raison de la proximité des commerces. Permettez-moi de rire.
Oui, il y a une pizzéria. Oui, il y a des salons de coiffure sur la Rue Notre-Dame, mais il y a surtout un ancien centre-ville qui s’essouffle.
Nous avons baissé les bras devant le souhait des dernières occupantes de ce lieu, qui avait cédé le bâtiment à la Société de l’Alzheimer, avec le désir que ce dernier demeure au service de la communauté. Comme il l’avait toujours été. Ne pourrions-nous pas, comme collectivité, prendre exemple sur le centre culturel Marie-Fitzback de Saint-Georges, qui a investi l’ancien couvent des sœurs du Bon Pasteur pour en faire un haut lieu d’échange, de culture et d’art?
Nous avons finalement baissé les bras devant notre devoir de citoyen, en laissant les élus seuls responsables de la démolition. Loin de moi ici l’idée de jouer au « gérant d’estrade ». J’étais absent le soir de l’assemblée du 10 septembre et j’ai honte ce matin. Si j’écris ce texte, c’est dans l’espoir que d’autres personnes, comme moi, relevions nos manches pour travailler avec nos élus afin de trouver un projet unifiant, stimulant et qui permettrait de préserver notre histoire au profit de notre communauté.
Si cette lettre se rend jusqu’à nos élus, par le biais de ce média ou par vos voix, il me fera grand plaisir de pousser plus loin cette réflexion.
Commentaire de Sylvie Lapointe – Le Devoir, 21 septembre 2018
»Mais faut avancer », dira le maire de cette municipalité!
Pour certaines personnes, par exemple le maire de cette municipalité de Sainte-Marie, avancer ça veut dire démolir le patrimoine, rien de moins. On déterre toutes sortes de raisons qui ont la réputation de bien passer comme par exemple ‘’des résidences pour personnes âgées’’. Il faut voir que le sort des personnes âgées, après tout, c’est vendeur car ça donne l’impression d’être compatissant. On n’est toujours bien pas pour avouer qu’on veut donner priorité aux intérêts des promoteurs. On est plus rusé que ça, tout de même! Or donc, on conclue ceci: Le patrimoine: non, pas vraiment besoin de ça. Les promoteurs immobiliers: oui à 100%, et même si ça implique la destruction du patrimoine. Pas de trouble avec ça. »Mais un moment donné, faut avancer » dira bien Gaétan Vachon à qui veut l’entendre. Avancer surtout dans le sens des intérêts de promoteurs immobiliers, bien sûr.
C’est finalement une bonne idée que d’avoir publié cet article de J.F. Nadeau dans Le Devoir. Cela nous met au courant de ce qui peut se passer quand il s’agit de notre patrimoine culturel. Car le patrimoine culturel qui se retrouve dans la municipalité de Sainte-Marie n’appartient pas uniquement aux gens qui habitent dans le coin, mais à tous les Québécois et Québécoises, n’en déplaise au maire Vachon. Et fasse que ce maire garde à l’esprit qu’avancer, ce n’est pas détruire ce qui existe coûte que coûte en vue de favoriser des intérêts particuliers du moment.
Commentaire de Guy Fortin – 2018-09-30 08:57, EnBeauce.com
Démolir Le bâtiment, un emblème de l’histoire de la culture architectural de la ville de Sainte-Marie et même un édifice d’une élégance et de prestige historique. Édifice qui a été érigé avec une si grande beauté, avec tant de détails, avec une influence qui rappelle les châteaux d’Europe vu la technique et le style de briquetage et boiseries qui traversé les époques vu passer tant d’événements. Certes, construite avec les matériaux de l’époque. De l’amiante. Est-ce suffisant pour la condamner? Non. Malheureusement, l’édifice déjà vendu, on n’y peu faire grand chose, d’ailleurs on est nous même un peu à blâmer de ne pas s’intéresser à notre histoire et ce qui en représente mais est-ce une raison d’abandonner cette histoire aux pics des démolisseurs.
Au Québec, on a peu d’intérêt à ce qui représente notre passé et on en a la preuve tous les jours. On dirait que l’on aime mieux se souvenir mais on oublie tellement le côté pervers de la mémoire… Elle est à ce moment tellement propre à chacun qu’elle s’oublie d’elle même…ne reste qu’à peine des traces. Bien entendu, la suspension ou le retrait d’un permis de démolition représente qu’un détail dans le processus d’une société immobilière puisqu’il n’a qu’à cesser de l’entretenir, de la chauffer et de ne pas couper l’eau et dans aussi peu que 5 années, elle sera tellement dégradé que la démolition s’imposerait d’elle même. Quel manque de civisme et de respect envers une communauté… Mais serais-je surpris… Pas du tout Je ne suis pas fier et je vais partager la honte de cette disparition avec tout ceux qui vont maintenant penser qu’ils auraient pu faire quelque chose. Malgré tout, il pourrait y avoir des solutions mais cela impose une volonté soit de garder la partie historique puisque ce n’est pas tout qui est de la construction originale. Conserver cette partie pourrait servir à bien des choses. Exemple un complexe pour des micros entreprises, une salle d’exposition, réunion etc. Moi même étant photographe, documentariste et artiste d’arts visuels, j’aurais un intérêt d’y implanter un studio.
Pourtant je ne parle pas au travers de mon chapeau, il y a peu de temps, j’ai eu la chance de visiter l’immeuble au grand complet et j’estime objectivement que ce bâtiment a un potentiel incroyable mais une mise à niveau s’impose. Qui plus est, la volonté de sauver et d’éduquer sur notre histoire locale y soit aussi. Va-t-il y avoir mobilisation?