Relâchement de la norme nickel : un encouragement à transborder encore plus de minerai à la baie de Beauport
Relâchement de la norme nickel : un encouragement à transborder encore plus de minerai à la baie de Beauport.
Le ministre de l’environnement Benoit Charrette emprunte un sentier plus que douteux en modifiant la norme de concentration du nickel dans l’air, de 14 ng/m cube à 70 ng/ m cube, soit 5 fois plus d’émissions. Il va jusqu’à avouer qu’il y « une volonté économique derrière tout ça». (Journal de Québec, 8 février 2022). En dépit l’opposition de la ville de Québec qui, exerçant son droit naturel, prend fait et cause pour ses citoyens des quartiers centraux, le ministre persiste dans son intention. Le GIRAM plaide pour plus de cohérence et plus de distanciation avec les intérêts corporatifs d’une minière du nickel (Glencore) et du Port de Québec.
Le Ministre est en porte-à-faux avec une étude produite en 2020 par son propre Ministère.
Cette étude démontre que les concentrations de nickel dans l’air générées par les opérations du port de Québec ont déjà atteint leur niveau de saturation (dépassement de plus de (571 %). « Le Port de Québec doit nécessairement réduire ses émissions de nickel « actuelles et futures…l’autorisation pour en générer de nouvelles, susceptibles d’augmenter ces émissions ne devrait être délivrée que si des mesures de réduction des émissions de nickel actuelles et futures soient proposées et appliquées »(Direction de l’Évaluation environnementale des projets hydriques et industriels. Novembre 2020).
Le Port de Québec n’entend nullement réduire ses opérations de vrac, bien au contraire.
Avec ou sans Laurentia, une réduction du transbordement de vrac n’est pas une option affirme le PDG du Port, Mario Girard « Si aujourd’hui il y a des projets de vrac, c’est que le Port de Québec devient le meilleur moyen pour transporter ces projets de vrac» ( Mario Girard. Radio-Canada, 17 décembre 2020). En 2020, Glencore a reçu en provenance d’Asie, le nouvel équipement pour augmenter l’efficacité du déchargement du concentré de nickel en provenance du Nunavut.(Rapport annuel 2020).
La Ville de Québec sera toujours dans l’incapacité légale d’exercer elle-même un contrôle des dispersions de nickel comme l’invite à le faire le Ministre Charrette?
Mission impossible. En avril 2020, la Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation d’appel du Québec dans un dossier mettant en jeu l’application de de la Loi sur la qualité de l’environnement, écartant mêmel’applicabilité de son régime d’évaluation environnementale aux projets situés en propriétérelevant d’une compétence fédérale.Si le gouvernement du Québec ne peut intervenir, comment imaginer qu’une administration municipale le puisse?
Le projet de filière batteries pour véhicules électriques ne justifie pas une norme nickel plus libérale?
Le Québec a bien implanté à Varennes un Centre d’excellence en électrification des transports, mais on est encore loin d’un pôle industriel d’envergure dans ce domaine. Des études anticipent que pour satisfaire la demande du secteur des batteries pour encore une décennie, l’essentiel du nickel de la filière électrique sera asiatique et Indonésie (coût de la matière première et de la production du sulfate de nickel). Et encore, la fabrication des batteries, en usine avec un sous-produit déjà raffiné, ne laisse pas échapper des poussières de nickel comme c’est le cas pour les opérations de traitement du minerai (Sudbury) et celles de transbordement à ciel ouvert (Baie de Beauport)?
Pourquoi le minerait de nickel extrait au Nunavit devrait-il absolument aboutir à la baie de Beauport?
La demande internationale en nickel reliée au secteur des batteries de véhicules et les unités de stockage d’énergie) est en forte croissance. Elle aura triplé en en 2040 (Le sulfate de nickel : un ingrédient clé des batteries Li-ion. Minéral info. Août 2021). Au chapitre de la sécurité des populations, le Ministre de l’environnement prend-t-il en compte qu’à Québec, le minerai de nickel n’est pas seulement entreposé à l’air libre, il est l’objet de deux opérations de transbordement avant d’être transporté par convois ferroviaires à destination de Sudbury et ce, via des secteurs peuplés et à grande proximité d’écoles et de garderies et donc une hausse du facteur risque pour la sécurité humaine.
L’agrandissement du port par remblai des eaux du fleuve : un débat clos avec l’abandon de Laurentia?
Enfin, troisième problème d’importance relié à une hausse prévisible des capacités de stockage de minerais : la rareté des espaces d’entreposage du Port. À terme, risquons-nous comme citoyens, de devoir affronter une 3e demande de permis d’agrandissement de surface opérationnelle du Port à même le fleuve? Problème environnemental et autre enjeu d’acceptabilité sociale à l’horizon.
Des sites de transbordement maritimes autres que le baie de Beauport existent; au gouvernement du Québec à faire ses devoirs.
Des installations portuaires comme celles de Sept-Iles, 1er port de manutention du vrac au Québec), Port-Cartier (2e), et même Gentilly ont comme avantage stratégique d’être à bonne distance de périmètres d’urbanisation, actuels et futurs. Avec leurs contraintes qu’il faut reconnaitre, ces sites offrent tout de même des opportunités d’opérations vraiment plus respectueuses de la santé humaine. Une véritable politique du transport maritime doit être en mesure d’aborder cette situation de front et tenter de régler le cul-de-sac de Québec.
Un accroissement de l’industrie du vrac dans baie de Beauport va définitivement à l’encontre d’une vision d’un développement économique durable et à long terme pour la Capitale nationale.
Il est temps de considérer l’immensité du potentiel récréo-touristique et de retombées économiques locales de la zone du littoral-est de la Capitale –Nationale comme un facteur d’attractivité majeur, autant pour les investisseurs de la nouvelle économie, que pour les résidents actuels et futur.
Danielle V. Gagnon.
Pierre-Paul Sénéchal