Maison Chevalier
Pour le maintien de la maison Chevalier dans le domaine public.
Fort de ses 38 années d’expérience, d’expertise et de militantisme en faveur du patrimoine québécois, le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) désire ajouter sa voix, à toutes celles entendues depuis quelques jours visant à contrer ce projet insensé de cession de la maison Chevalier au domaine privé commercial, sans consultation.
L’héritage patrimonial ne donne pas que des droits, il crée des devoirs.
Érigé en 1683, icône par excellence de l’époque de la Nouvelle-France, situé dans un environnement hautement protégé, logé au coeur d’un site du patrimoine mondial et qui en plus abrite le siège de l’UNESCO, cet immeuble est largement connu et apprécié, et il représente un témoin irremplaçable de notre histoire nationale. Le terme de la fierté québécoise est revendiqué ces temps-ci ; or voici un immeuble qui témoigne du savoir-faire et de la prospérité de nos industriels et commerçants du XVIIe jusqu’au XIXe siècle. Il est un élément clef de voûte dans le quartier dans lequel il s’inscrit. Par sa taille imposante, sa volumétrie, ses réserves voûtées souterraines et la richesse de ses intérieurs, il nous transporte dans un univers bien différent du modèle de l’habitation rurale traditionnelle auquel on se réfère généralement pour sensibiliser nos gens au patrimoine québécois. Il est unique en son genre et notre jeune nation dispose de si peu de marqueurs qu’elle ne peut se permettre d’aliéner celui qui donne le ton à tout un ensemble que l’État a restauré à grands frais. Au contraire, elle devrait dynamiser davantage ces espaces pour stimuler la fréquentation locale, une fonction qui a connu un certain relâchement au fil des ans.
Par sa généreuse accessibilité pendant plusieurs décennies, ce joyau a permis de faire naître chez une foule de gens, un intérêt pour l’histoire et un attachement au Québec. Il est donc tout à fait renversant que le gouvernement du Québec, premier responsable de la promotion du « lieu québécois » en soit venu, dans le plus grand secret, sans consultation citoyenne aucune, à « tirer la plogue » et livrer le joyau à une entreprise commerçante dont la mission première n’est pas la sauvegarde de l’intérêt public, encore moins l’initiation à l’histoire de l’Amérique française. Les considérations d’ordre muséologique et d’accès universel évoquées par nos gestionnaires publics ne convainquent absolument pas. On peut faire de la muséologie ailleurs que dans des cubes de verre à atmosphère contrôlée et munis de rutilants ascenseurs. Un immeuble du type de la maison Chevalier est déjà un musée populaire, autant par son allure extérieure que par la riche collection de meubles qui y ont été jadis exposés.
L’aliénation d’un bien du domaine public ne peut se faire à l’aveugle
Le GIRAM s’interroge sérieusement sur la légitimité d’aliéner ainsi, sans consultation un tel « bien du domaine public ». La jurisprudence semble en effet indiquer qu’au niveau municipal par exemple, on ne peut aliéner un parc, une source d’alimentation en eau selon la même procédure que pour un équipement de voirie. Les musées eux-mêmes disposent de politiques d’aliénation sévères. Ce qui caractérise un bien du domaine public, c’est son utilité collective et son usage sans restriction. Le gouvernement du Québec qui voit à la bonne marche des administrations municipales aurait dû s’inspirer de ce principe en consultant minimalement ses propres instances (Conseil du patrimoine culturel) ou en faisant état de son intention auprès de ses principaux partenaires impliqués dans la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel.
En politique, il s’avère toujours plus salutaire de reculer face à l’erreur manifeste que de s’y enfoncer. Nous demandons que la ministre de la Culture et des Communications fasse marche arrière dans ce dossier. Il en va de la crédibilité de sa fonction.