De peuple bâtisseur à peuple démolisseur ?Le cas du Collège de Saint-Damien
Pour justifier les démolitions de bâtiments, nos dirigeants ont déniché un argument: « On refuse, dira-t-on, de s’accrocher au patrimoine du passé, on est à construire le patrimoine de demain ». Fin de la discussion? Or voilà : le collège de Saint-Damien que le ministère de l’Éducation veut démolir pour reconstruire en neuf et en plus petit, date non pas de 1858, mais de 1958. Il s’agit d’un immeuble du patrimoine contemporain, structuralement de haute qualité et porteur d’une signature architecturale distinguée. Don d’une communauté religieuse en 1997, et ayant déjà une utilisation multifonctionnelle, faut-il absolument le raser pour faire place à la dernière mode des écoles Ricardo? L’intérêt régional en sera-t-il ainsi mieux servi ?
Au nom du respect d’une certaine constance dans le paysage bâti québécois et au nom du développement durable dont se réclame le Ministre de l’Éducation, monsieur Jean-François Roberge, le GIRAM demande qu’on se penche davantage sur l’ensemble des impacts de l’option démolition.
L’intérêt public dans tout cela?
À l’appui de l’intention du ministre de l’Éducation il y a cette idée absolument non démontrée qu’il serait plus économique de construire, au coût de 20 millions de dollars, une nouvelle école primaire plus petite que de rénover le grand bâtiment actuel. Est-ce l’espace qui est le problème, ou l’attrait du « tout neuf », ou bien le manque d’imagination quand il s’agit d’adapter ou d’occuper à d’autres usages collectifs des espaces jugés excédentaires?
Quelles raisons fondamentales sont à l’appui de l’intention ministérielle? Les projections démographiques à long terme? Des changements significatifs se dessinent à ce chapitre? Où sont les considérations de particularités locales et régionales, notamment, celles qui touchent la ruralité québécoise? Comment passer sous silence les coûts de remplacement des espaces pour reloger les autres fonctions actuellement abritées dans le promu à démolition : résidence pour aînés, bureaux municipaux, maison de la culture, salle de spectacle bibliothèque municipale et organismes communautaires.
C’est malheureux, mais le Québec se donne de plus en plus une réputation non enviable de champion en matière de démolition. Le rasage en série du patrimoine bâti ne concerne pas uniquement le résidentiel ancien, urbain et rural, il concerne amplement l’immobilier institutionnel (éducation, santé, églises, hôtels de ville, centrales de police). On oublie que toute mode est éphémère et qu’elle a ses coûts.
Le coût environnemental de la démolition de notre patrimoine bâti.
Il nous faut rappeler au gouvernement du Québec, propriétaire et gestionnaire du parc immobilier public que le développement durable, ce n’est pas seulement la récupération du papier et du plastique. Chaque année plus de 3000 bâtiments anciens sont détruits et les débris de démolition qui en résultent représentent près du tiers des résidus enfouis au Québec, soit près de 2 millions de tonnes.
On veut bien faire une entrée remarquée dans le nouvel univers de « l’architecture verte », mais le bâtiment le plus écologique et le plus vert est celui qui existe déjà. Vaut mieux le valoriser, l’adapter que le démolir, ce qui évite de diriger des tonnes de matériaux vers les sites d’enfouissement et de devoir toujours davantage se tourner vers l’extraction de ressources nouvelles ?
Recommandations.
Accordant son appui aux opposants locaux à la démolition, le GIRAM recommande :
1/ Qu’avant d’écarter l’option mise à niveau de l’immeuble, on s’assure, autant du côté du Ministère que du Centre scolaire, que soient sérieusement évalués l’ensemble des coûts générés à termes par l’option démolition: coût environnemental, perte définitive d’usages multifonctionnels pouvant s’avérer porteurs d’avenir pour la communauté de Saint-Damien.
2/ Qu’on fasse preuve de plus d’imagination en procédant par concours, entre autres, en intéressant les jeunes architectes à ce défi. Qu’on s’inspire de ce qui a été réussi ailleurs; la Commission scolaire de la Capitale a procédé avec succès à plusieurs rénovations-transformations d’immeubles (École St-Dominique, École hôtelière Fierbourg (ancienne école secondaire Albert-Ouellet).
3/ Que le Ministère de la Culture et des Communications réalise une évaluation patrimoniale et de la valeur architecturale du « bâtiment Jean-Marie Roy », représentatif du savoir-faire à l’orée de la révolution tranquille.
4/ Qu’en attendant les conclusions d’une telle analyse élargie, le conseil municipal de Saint-Damien-de-Buckland mette en veilleuse l’option prise en faveur d’une nouvelle construction.